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Le développement portuaire contemporain du continent africain ne peut s’appréhender sans la prise en compte du rôle juridique, économique et politique
des partenariats public-privé (PPP) (Grosdidier de Matons, 2012). Au tournant du XXIe siècle, la Déclaration d’Abidjan issue de la Première Conférence panafricaine des ports s’avère on ne peut plus explicite :
« La Conférence réaffirme la nécessité pour que les États africains et les groupements économiques sous-régionaux adoptent des politiques de développement concertées, en ce qui concerne l’infrastructure des transports en général, et des ports en particulier (par lesquels 90 % du commerce des pays du continent sont manipulés) en raison de leur rôle comme plateformes commerciales. La Conférence encourage le développement des partenariats publics et privés dans le financement et la gestion des infrastructures portuaires ». (CNUCED, 2001).
Deux décennies plus tard et plus de 70 milliards investis (Daudet & Alix, 2022), les PPP constituent toujours les véhicules indispensables qui lient les intérêts publics et privés dans la gestion de projets portuaires complexes et à forte intensité capitalistique (Thorrance, 2014). Sur le plan portuaire, ces PPP sont essentiels dans la protection et la préservation des intérêts publics mais aussi privés ; particulièrement avec la situation duopolistique qui s’impose entre Dakar et Cotonou à partir de 2022.
Sur la manutention conteneurisée ouest-africaine
Séisme portuaire africain : l’acteur historique français Bolloré vend pour 5,7 milliards d’euros l’ensemble de ses actifs africains à l’opérateur suisse Terminal Investment Limited (TIL), filiale portuaire du numéro 1 mondial du transport maritime de conteneurs, MSC Shipping. Il en résulte une cartographie portuaire ouest-africaine où tous les terminaux conteneurisés sont soit sous le contrôle de TIL, soit sous le contrôle d’APM Terminal, la filiale portuaire du géant danois Maersk Line, deuxième opérateur mondial derrière MSC Shipping (voir carte ci-contre).
Cette situation capitalistique hors du commun questionne le pouvoir régalien pour réguler et contrôler les stratégies d’acteurs privés positionnés sur des activités essentielles au fonctionnement socio-économique des nations ouest-africaines. En Afrique de l’Ouest, les ports peuvent représenter jusqu’à 80 % des recettes douanières collectées par un État.
Les PPP : garants du balancement des risques
Les partenariats public-privé à travers lesquels les autorités portuaires ont confié les missions d’exploitation aux opérateurs privés relèvent essentiellement du régime de la concession (Thorrance, 2019). Ces concessions portuaires, octroyées à des groupes internationaux spécialisés comme TIL ou APM Terminal, résultent d’une mise en concurrence qui nécessite au préalable une grande maitrise d’aspects techniques, juridiques et financiers de la part des autorités portuaires et publiques.
Les PPP ne cessent d’évoluer car la complexité des contrats de concession exige des mécanismes d’ingénierie régulatoire aussi souples que précis. En clair, il est indispensable pour l’avenir portuaire ouest-africain que les États se dotent in fine d’un outillage de régulation économique et financière qui permet de s’assurer de la soutenabilité budgétaire pour l’autorité contractante du projet durant l’exécution normale du contrat.
Cela peut devenir encore plus critique au moment d’une renégociation.
C’est relativement fréquent dans le secteur portuaire en raison de la nature du contrat, à savoir des projets complexes de long terme, ayant généralement de fortes implications sur la vie politique, économique et sociale.