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Avec une infrastructure existante capable de desservir et connecter les zones les plus denses de la capitale guinéenne et de la rendre polycentrique et fluide, le rail à Conakry – ville-péninsule linéaire par excellence – illustre un potentiel inexploré. C’est celui de développer des synergies entre l’économie portuaire et la ville, entre le transport de marchandises et le déplacement des Guinéens.
Accueillant une population de 2,7 millions d’habitants qui atteindra les 5 millions en 2040, la capitale guinéenne, avec son port en eau profonde et ses lignes ferroviaires CBK et Fria, principalement dédiées au transport minier et au trafic de marchandises, est encore structurée par l’hypercentralisation de ses fonctions à Kaloum. La cohabitation entre les administrations et les activités portuaires y devient de plus en plus difficile. Le dimanche, l’espace saturé laisse place à de nombreuses rues désertes, marquées par le manque de mixité urbaine.
Le ballet des centaines de poids-lourds entre le port et le marché de Madina qui engorgent continuellement les rues de la ville pose naturellement la question du transfert modal vers le rail et de l’émergence d’une logistique urbaine enfin multimodale et intégrée.
De l’intermodalité à l’emploi
En 2019, le PDU de Conakry a démontré que la mise à deux voies et l’exploitation de la ligne ferroviaire CBK permettraient le développement de nouveaux centres urbains autour de gares urbaines et de pôles logistiques multimodaux. Combinant une première ligne BRT (bus rapide) de 15 km et une desserte ferroviaire de 34 km, le réseau multimodal proposé fera circuler 235 600 passagers par jour et par direction.
Il diminuera d’un million de tonnes de CO2 l’empreinte carbone annuelle de la ville pour le transport de passagers uniquement. Le terminus de cette ligne CBK mise à deux voies ne serait autre que le pôle intégré de Kagbelen à 35 km du centre-ville, plateforme logistique et port sec mais aussi nouveau marché de gros. Celui-ci permettra de désengorger tant le port maritime à Kaloum que le marché de Madina, tout en créant les emplois urbains et industriels dont les Conakrykas de la périphérie seront les premiers bénéficiaires.
L’investissement pour une mobilité urbaine soutenable et multimodale est une occasion de redonner une qualité de vie aux habitants de Conakry. Nous voyons aussi dans la revitalisation du rail et la diversification de son usage en milieu urbain une façon de repenser la ville en Afrique, mais aussi sur les territoires nationaux africains.
Mines, rail et démographie
En effet, l’expérience de Conakry est à observer sous le prisme des grands projets ferroviaires miniers de la Guinée d’aujourd’hui. Il est nécessaire de les appréhender en intégrant le rééquilibrage démographique et économique du territoire. Le projet Simandou Sud a donné naissance au nouveau chemin de fer « transguinéen ». Celui-ci relie un des plus grands gisements de minerai de fer situé dans la région enclavée de Nzérékoré avec un nouveau port minier situé à Morebayah, à seulement 30 km de Conakry. Les projections de doublement de population de la capitale inquiètent quant à la capacité de Conakry à absorber une telle croissance sur un espace exigu déjà saturé.
Dans ce contexte, il est essentiel d’ouvrir les yeux sur le rôle de la nouvelle ligne transguinéenne dans la planification de pôles de croissance, tant démographiques et socio-économiques que logistiques, agricoles et industriels.
Car c’est par l’accessibilité et les synergies économiques, y compris l’intermodalité, qu’un développement territorial structuré et structurant pourra apaiser la croissance folle des villes-capitales du continent africain. Rapidement, le port minier proche de Conakry se verra jouer un rôle plus complexe et plus stratégique qu’escompté. Plus que jamais, la planification de son futur interface port-ville est nécessaire, avant que l’urbanisation informelle et précaire ne s’en empare.