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Le terme anglophone « landscape » est en général utilisé en y adjoignant le mot « design » ; cette discipline est souvent considérée dans le cadre d’un projet de « beautification », c’est-à-dire l’embellissement de l’existant. Autant dire un luxe non prioritaire, une question à aborder quand d’autres, plus vitales, sont réglées. Les publications nombreuses sur ce thème renforcent cette appréciation: le paysage est un produit pour les riches.
Cette façon de considérer la question du paysage est pour le moins réductrice. Avec l’entrée en force des problématiques du développement durable dans les disciplines de l’aménagement (climat, biodiversité, hydraulique, etc.), le paysage occupe une place de plus en plus prépondérante. « Plus vite, plus haut, plus fort », l’homme n’a de cesse de vouloir repousser ses limites. Pour ce faire, il utilise abondamment des ressources naturelles et rejette dans l’atmosphère, l’hydrosphère et les milieux terrestres, différentes molécules qui viennent modifier les équilibres naturels. Anticiper ce risque à l’échelle planétaire et locale est devenu crucial pour assurer l’avenir des écosystèmes et celui des sociétés humaines qui en dépendent.
Le paysage est la matrice de cette instabilité biologique, car il permet d’établir des stratégies visant à conforter le bien-être humain. C’est à travers le paysage que nous pouvons rendre plus opérationnelle cette notion « d’espace de fonctionnement sûr ». Particulièrement dans les milieux urbains où vivront en 2050 d’après l’ONU près de 70 % de la population mondiale. Cette croissance vertigineuse les a déterritorialisées, leur a fait perdre leurs ancrages, leurs liens avec les territoires adjacents. Le « système terre » a atteint ses limites en termes de capacités d’absorption des émissions et dégradations générées par le développement urbain.
Le travail sur le paysage, c’est chercher à produire la quasi-totalité de la nourriture des habitants d’une métropole moyenne dans un rayon maximum de 50 km ; c’est créer des formes de complicité avec les milieux humides pour recharger les nappes phréatiques ; c’est créer des canopées capables de répondre efficacement aux pics de chaleur ; c’est créer des milieux qui encouragent la marche et les modes doux au détriment des modes motorisés ; c’est réalimenter les sols pour les rendre fertiles … En résumé, investir dans le paysage, c’est pallier le manque de résilience de nos systèmes urbains face aux conséquences de la crise écologique qui est devant nous.
Grâce au paysage, le développement se relocalise et respecte les limites écologiques.
Nous avons longtemps été portés par la croyance que la technique résoudrait tous les problèmes. Cette fuite en avant nous oblige aujourd’hui à revoir fondamentalement notre modèle de développement ; le paysage y jouera à nouveau un rôle fondamental, car il est le lien puissant entre le bien-être de l’humanité et le « système terre ».