Synthèse Journée d’Étude AdP
du vendredi 6 septembre 1996
1996 Actualité des Grands Projets urbains (7.48 MB)
Lors de cette journée consacrée aux opérations de restructuration de quartiers anciens ou de développement de quartiers nouveaux, après deux allocutions d’ouverture de Fabrice Richy et de François Noisette, les interventions proposent une mise en perspective des grands projets d’aménagement urbain, un exposé d’un point de vue de banquier sur le financement de grands projets dans les cas du pont sur le Tage et de l’aéroport de Hong Kong, un commentaire sur le projet Euralille, un exposé sur la relation entre histoire urbaine et grands projets, un exposé montant comment, dans le cas de Paris, les grands projets peuvent structurer la ville, et un commentaire sur la reconstruction du centre ville de Beyrouth. Chaque intervention est suivie d’une séquence de questions-réponses. La journée se termine par une table ronde et un discours de clôture par le Directeur général de la Caisse Française de Développement (CFD).
Eric Huybrechts (IAURIF – Métropolis) expose quelques réflexions inspirées par de grands projets urbains dans des situations très diverses : les opérations Bercy et Tolbiac à Paris, la restructuration du centre ville de Casablanca et de sa corniche, le boulevard périphérique de Barcelone et les opérations d’urbanisme qui l’ont accompagné, l’extension de l’aéroport de Schiphol d’Amsterdam, le tunnel d’adduction d’eau de New York, le centre ville de Shanghai, la ville nouvelle du 6 octobre au Caire, les Docklands de Londres, etc. Ayant indiqué l’ampleur de tels projets en termes de surfaces concernées, souligné qu’il se situent partout dans le monde, qu’ils ne sont pas significatifs de la modernité (on réalise de grands projets depuis que la ville existe), que la réussite de ces projets n’est pas nécessairement lié à la richesse de la métropole, qu’ils peuvent en fait être considérés comme petits face à l’échelle des métropoles, et qu’ils nécessitent un lien fort avec la planification métropolitaine, l’auteur en analyse le financement. Il commente l’influence de l’économie globale sur la structure des métropoles et la définition de ces projets, l’influence des changements brusques du marché, la diversification des sources de financements qui permet d’assurer une forte mobilisation, l’importance de la maîtrise des coûts du foncier et des grandes infrastructures pour la faisabilité des opérations, le développement des pratiques de partenariat public-privé, les pratiques de contrôle financier de l’aménageur et de contrôle des objectifs du projet, et la nécessité de structures financière stables pour des projets durables. Il décrit enfin le rôle que peuvent prendre, selon les situations, les principaux acteurs : la puissance publique, le partenariat public-privé, les sociétés d’aménagement agissant en maîtres d’ouvrage délégués, les citoyens.
Eric Francoz, directeur de projets à la Société Générale, expose le point de vue d’un banquier sur le financement des grands projets d’infrastructures. Il évoque tout d’abord les risques associés à ces projets, puis indique les niveaux des prêts accordés aux différents secteurs d’activités en 1995 et le mode de financement de projet qui permet de créer diverses formes de partenariats. Puis, il présente le projet de pont sur le Tage pour lequel le gouvernement portugais a fait appel à l’UE et à différentes sociétés dans le cadre d’une concession de 33 ans. Cette solution permet de réduire les risques (le trafic et la fréquentation sont connus). Il observe que le péage initial est bas et qu’une augmentation est contractuellement prévue, le gouvernement devant payer la différence au cas où l’augmentation ne serait pas appliquée. Les principaux problèmes pour ce type d’infrastructure sont la solvabilité de la clientèle et l’exactitude des prévisions. Il présente ensuite le projet d’aéroport de Hong Kong qui doit se substituer à celui en service et qui comprend, outre l’aéroport, des systèmes de fret, des voies d’accès et un effet structurant en termes d’urbanisme. L’ensemble est découpé en sous-projets avec des concessions et faisant, pour certains, appel au financement privé dont l’auteur indique les montants pour le système de fret auquel la Société Générale participe. Le financement public est parfois quasiment absent. Ayant commenté les limites au développement des financements privés, les problèmes éventuels de rentabilité, il souligne l’importance de l’existence de supports publics pour aider le financement privé, ces supports pouvant agir au moment du financement ou pendant l’exploitation.
Martin Lévy, Directeur financier de la SAEM EuraLille, revient sur l’émergence et l’évolution du projet Euralille. Il souligne tout d’abord que la préexistence des financements publics en matière de transport (projet de ligne TGV) a été déterminante, et que le projet a été l’objet d’un portage politique fort, Pierre Mauroy ayant refusé de céder les terrains aux promoteurs mais en les confiants à une société d’économie mixte, la SAEM. Divers équipements ont été réalisés, souvent confiés à des architectes de renom. Certains éléments connaissent la réussite (le programme de logements, un hôtel), d’autres moins (une tour au taux d’occupation décevant). Martin Lévy décrit ensuite la procédure juridique mise en place sur le périmètre de la ZAC et où a été appliquée la loi MOP pour la réalisation de plusieurs équipements (groupe scolaire, palais de congrès et d’expositions, école de commerce). Le dispositif juridique comprend la Société EuraLille qui compte des collectivités locales dans ses actionnaires, mais dont la partie privée s’est fragilisée dans le temps. Il évoque ensuite les divers investissements, souvent très importants. Face à la crise immobilière rencontrée, il évoque enfin des pistes de solution : mise en place d’un système de portage foncier, partage du risque des actionnaires.
Michel Arnaud, membre d’AdP, en commentant quelques images, propose un panorama historique des grands projets dans l’histoire urbaine. Il traite tout d’abord de l’époque de la Renaissance avec Lunebourg, la Halle aux draps d’Ypres en 1500, des hôpitaux à Milan, à Paris ou à Tonnerre entre le 13ème et le 15ème siècle, le plan de Bruges en 1500. Il aborde ensuite les projets portant sur la création de l’espace urbain : la place de Sienne, les espaces publics de Venise et ceux de Bruges, la place des Vosges à Paris et les squares de Londres, la promenade de la Jugfernstieg à Hambourg, les Boulevards et les Champs Elysées à Paris. Le dernier type de projet urbain est celui correspondant à la création urbaine totale : Sauveterre en Guyenne (une bastide), le plan de Philadelphie. Il expose enfin quelques réflexions sur les enjeux de ces grands projets urbains dans le contexte actuel : urbanisation et croissance démographique galopantes, manques d’infrastructures, rôle de moteur économique des grands projets.
Jean-Michel Milliex, directeur d’études à l’APUR (Agence parisienne d’urbanisme), se propose de donner, à partir de la projection d’une soixantaine d’images de l’histoire de l’architecture et de l’urbanisme parisiens, une idée synthétique de ce qu’est le projet urbain dans le cas de Paris, ville de projets prestigieux, ville de fragments et de collages (places royales, lotissements, faubourgs) et ville projet de capitale à travers les siècles.
Michel Micheau de l’Institut d’études politiques de Paris (IEP) expose quelques informations sur le contexte dans lequel se passe la reconstruction de Beyrouth, puis présente le principe et le cœur du montage de l’opération qui est la société Solidere, et ses originalités. Cette société tient trois rôles : le financement et le contrôle de la réalisation, éventuellement l’exploitation des infrastructures, la promotion immobilière, et la gestion immobilière. Il indique ensuite critiques qui ont été formulées à propos de ce projet, ainsi que ses points forts. Il s’interroge enfin sur ce qu’il nomme les angles morts du projet, c’est-à-dire les points qui n’ont pas été ou insuffisamment abordés, et posent problème. En conclusion, il s’interroge sur le caractère transposable du modèle Solidere à d’autres situations.
Animée par Michel Sudarskis, secrétaire général d’Association Internationale du Développement Urbain, la table ronde, réunissant MM. Huybrechts, Milliex et Arnaud, propose des échanges autour de l’existence éventuel d’autres critères que la volonté politique pour faire un grand projet, autour de la question du financement des grands projets d’urbanisme, autour des rôles de différents acteurs, et autour des effets structurants de ces grands projets.
Dans son discours de clôture, Antoine Pouillieute, directeur général de la Caisse Française de Développement, établissement public, industriel et commercial et institution financière spécialisée chargée de financer les projets d’aide, qui intervient dans les DOM-TOM, le continent africain (sauf Soudan, Egypte et Libye), la péninsule indochinoise, la Caraïbe et l’Océan Indien, expose des réflexions sur les interventions de la CFD portant sur le développement urbain (15 à 20% des investissements représentant plus de 6 milliards de Francs répartis sur plus de 130 projets). Ces investissements sont effectués en association avec un grand nombre d’opérateurs différents (autres bailleurs de fonds, collectivités publiques, opérateurs privés). Illustrant éventuellement son propos par des références à des exemples, il formule et explique les principes qui fondent l’action de la CFD : principe de continuité (le développement urbain est lié aux autres domaines de développement), principe de réalisme (coller au terrain pour le réaliser), rigueur financière (qui permet d’éviter ou de rattraper des dérapages).
This discussion day, which was devoted to operations aimed at restructuring old districts or developing new ones, began with two opening speeches by Fabrice Richy and François Noisette, after which the papers placed major urban improvement projects in perspective, gave a banker’s point of view of the financing of major projects in the case of the Tagus bridge and Hong Kong Airport, provided a commentary on the EuraLille project, an analysis of the relationship between urban history and major projects, a study showing how, in the case of Paris, major projects may structure the city, and a commentary on the reconstruction of the city centre of Beirut. Each paper was followed by a question and answer session. The day ended with a round table and a closing speech by the Director General of the French Development Fund (CFD).
Eric Huybrechts (IAURIF – Métropolis) presented some thoughts prompted by major urban projects in very diverse situations: the Bercy and Tolbiac operations in Paris, the restructuring of the city centre of Casablanca and its clifftop, the Barcelona ring road and its accompanying urban planning operations, the extension of Amsterdam’s Schipol Airport, the water supply tunnel in New York, the city centre of Shanghai, 6 October City in Cairo, the London Docklands, etc. After showing the scale of such projects in terms of surface area, he emphasized that they are located in all parts of the world, that they are not confined to the modern age (there have been major projects for as long as there have been cities), that the success of these projects is not necessarily linked to the wealth of the metropolis, that they may in fact be considered as small in relation to the scale of the metropolises, and that they require a strong link with metropolitan planning, the author analyzed their funding. He commented on the influence of the global economy on the structure of metropolises and the nature of projects, the influence of sudden changes in the market, the diversification of sources of finance which makes a large amount of funding possible, the importance of controlling the costs of land and major infrastructure for the feasibility of operations, the development of public-private partnership practices, of the financial monitoring of developers and the objectives of the project, and the need for stable financial structures in order to create durable projects. He ended by describing the role which, depending on the situation, can be played by the principal protagonists: the public authorities, public-private partnerships, planning firms acting as delegate project owners, the general public.
Eric Francoz, chief project director for the Société Générale, gave the banker’s point of view on the financing of major infrastructure projects. He began by describing the risks associated with such projects, then described the level of loans granted to the various sectors of activities in 1995, and the mode of financing projects which makes it possible to set up various types of partnership. He then presented the Tagus bridge project for which the Portuguese government called on the EU and various firms in the framework of a 33 year concession. This solution reduces risks (the nature and intensity of the traffic are known). He remarked that the initial toll is low, and that the contract allows for an increase, the difference being paid by the government if the increase is not applied. The main problems for this type of infrastructure are the solvency of the clientele and the accuracy of forecasts. He then presented the project for an airport which is due to replace the current one in Hong Kong and which includes, apart from the airport itself, freight systems, access roads and a structural impact in terms of urban planning. The project has been broken down into sub-projects with concessions, some of which call on private sector finance. In the case of the freight system, in which the Société Générale is involved, he quoted the sums involved. Public finance is almost completely absent. Before commenting on the limits to the development of private finance, and possible problems of profitability, he emphasized the importance of public support to assist private finance. Such support may be provided at the time of financing or during operation.
Martin Lévy, the financial manager of SAEM EuraLille, spoke about the inception and development of the EuraLille project. He began by emphasizing that the pre-existence of public funding for transport (the project for the TGV line) had been decisive, and that the project had received strong political backing, Pierre Mauroy having refused to give over the land to property developers, preferring to hand it over to a mixed investment company (SAEM). Various buildings have been constructed, many of them designed by famous architects. Some components of the scheme are successful (the housing programme, a hotel), others less so (a tower with a disappointing occupancy rate). Martin Lévy then described the legal procedure put in place within the joint development zone (ZAC where the Private Project Management (MOP) Act had been applied for a number of buildings (a school complex, a conference and exhibition centre, a business school). The legal set-up included the company EuraLille which numbered local authorities among its shareholders, but whose private sector component has become weaker over time. He described the various investments, frequently very large, before going on to describe some possible ways of combating the property crisis: setting up a property investment support system and sharing shareholder risk.
Michel Arnaud, a member of AdP, provided a historical overview of major urban projects, spoke about a number of images. He began by dealing with the Renaissance period with Luneburg, the Ypres cloth hall of 1500, hospitals in Milan, Paris or Tonnerre between the 13th and 15th century, the Bruges plan in 1500. He then spoke about projects that involved the creation of urban space: the Piazza in Siena, the public spaces in Venice and Bruges, the Place des Vosges in Paris and the squares in London, the Jungfernstieg promenade in Hamburg, the Boulevards and Champs Elysées in Paris. The last type of urban project involves the creation of an urban entity: Sauveterre in Guyenne (a walled town), the plan for Philadelphia. He then presented some ideas about the role of major projects as an economic driving force in the present-day context of runaway urbanization and demographic growth, and a shortage of infrastructure,.
Jean-Michel Milliex, director of studies at APUR (Paris Urban Planning Agency), set out to provide an overall idea of urban projects in Paris on the basis of a slide show containing about 60 images showing the history of architecture and urban planning in the city, which is a city with prestigious projects, a city of fragments and collage (royal squares, housing developments and suburbs), and a city that has had a vocation to be a capital for centuries.
Michel Micheau from the Paris Institute for Political Studies (IEP) provided some information about the context in which the reconstruction of Beirut is taking place, then presented the core of the operation, namely the firm Solidere, and its original features. This firm fulfils three roles : financing and monitoring the creation, and possibly the operation, of infrastructure, property promotion and property management. He then mentioned the criticisms which had been made of this project, as well as its strong points. Last, he spoke about what he referred to as the project’s blind spots, that is to say the points which had been ignored or not given sufficient attention and which raised problems. He concluded by considering the transposability of the Solidere model to other situations.
Led by Michel Sudarskis, Secretary General of the International Association for Urban Development, the round table which brought together Messrs. Huybrechts, Milliex and Arnaud discussed the possibility of using criteria other than political will in order to bring about a major project, with reference to the issue of funding major urban planning projects, the roles of the various actors, and the structuring effects of such major projects.
In his closing speech, Antoine Pouillieute, managing director of the French Development Fund, a public, industrial and commercial body and a financial institution specialized in funding aid projects that is active in the French overseas departments and territories, the continent of Africa (except the Sudan, Egypt and Libya), the Indo-Chinese peninsula, the Caribbean and the Indian Ocean, presented some thoughts about the CFD’s activities in the area of urban development (15 to 20% of the investments it handles accounting for more than 6 billion francs spread over more than 130 projects). The investments in question are made in partnership with a large number of different operators (other donors, public authorities, private operators). Illustrating his speech when necessary with examples, he set out and explained the principles on which the activities of the CFD are based: the principle of continuity (urban development is linked to other areas of development), the principle of realism (respecting the situation on the ground), financial rigour (which makes it possible to avoid or correct overspending).