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Propos recueillis par Marie Dols, géographe-urbaniste et formatrice en Afrique de l’Ouest et France.
MD : quelles sont, de votre point de vue, les compétences en urbanisme nécessaires pour faire face au développement urbain en Afrique ?
Kodjo Tchini : les défis liés à l’organisation du développement urbain en Afrique sont énormes. Les habitants sont exposés aux risques d’inondation, aux problèmes d’accès au logement et aux services de base, aux difficultés de déplacement liées à l’étalement urbain… Pour l’urbaniste, se pose notamment la question de l’accaparement foncier dans les périphéries qui est vertigineux. Il se fait sans régulation.
Les plans d’urbanisme (schémas directeurs, plans urbains …) existent et sont en général bien faits. Ils sont encore trop souvent réalisés par des prestataires internationaux. Il serait souhaitable que les professionnels africains renforcent leur présence.
Jean-François Sempéré : c’est vrai que les experts internationaux conservent encore une place surement trop importante aux dépens de leurs collègues africains.
KT : le problème principal est celui de la mise en oeuvre de ces plans. Ainsi aujourd’hui, les documents restent dans les tiroirs et la ville se construit sans plan d’urbanisme.
JFS : notons aussi que l’urbanisme est une discipline transversale, qui implique de nombreux professionnels (géomètres, ingénieurs, constructeurs …). C’est pourtant le parent pauvre des politiques urbaines. Au-delà de formation spécialisée en urbanisme, il est nécessaire de former cette diversité d’acteurs. Par exemple, dans les projets de BRT (bus en site propre) qui se multiplient, les spécialistes transport ne suffisent pas. Il faut prendre en compte l’insertion urbaine des projets, leur impact futur dans le développement des villes.
MD : quelles sont pour vous les échelles prioritaires à renforcer (administration centrale, locale, bureau d’études …) ? Présentent-elles des spécificités ?
KT : elles sont toutes à renforcer. Bien sûr, la qualité des agents publics est primordiale. Malheureusement, l’administration n’est pas attractive pour les étudiants qui cherchent une meilleure rémunération en bureau d’études. Les moyens des collectivités locales africaines sont extrêmement insuffisants, les urbanistes sont quasiment absents des administrations centrales. Le besoin concerne comme on l’a dit la mise en oeuvre des plans. C’est vraiment la concrétisation des plans qui est la priorité. Il ne s’agit pas forcément de compétences particulièrement pointues.
JFS : je partage ce constat. Ce sont les maitrises d’ouvrage publiques qu’il faut renforcer en priorité pour qu’elles puissent exiger un travail de qualité de la part des bureaux d’études. L’absence de réflexion urbaine dans les politiques sectorielles comme le transport est très dommageable.
MD : quel est l’état de la formation en urbanisme pour l’Afrique de l’Ouest et permet-elle aux étudiants de bien s’insérer dans le monde professionnel ?
KT : la création de l’EAMAU en 1976 a été une révolution. Le contenu de la formation est généraliste et répond aux besoins. L’insertion professionnelle des étudiants est très satisfaisante. Ils privilégient le secteur privé. Le problème reste celui du manque de moyens des administrations. La question des compétences et des formations est finalement moins importante que celle des financements publics nécessaires pour embaucher des fonctionnaires.