Synthèse Journée d’Étude AdP
du vendredi 7 septembre 2001
Les contributions et les débats de cette journée ont mis en évidence l’existence d’analyses économiques pertinentes des phénomènes de pauvreté mais aussi la nécessité de confronter ces études à de plus vastes échantillons de villes, l’importance d’une capacité d’analyse et de conception de politiques à des échelles adaptées au territoire et plus particulièrement à l’agglomération, et la relation étroite entre la qualité du débat démocratique local et le succès des stratégies de développement local.
François Roubaud (DIAL) propose quelques éléments de diagnostic sur la pauvreté et la récession dans les métropoles africaines en présentant les grandes tendances de la dynamique économique et de l’urbanisation en Afrique, en rendant compte de quelques études de cas illustrant ces évolutions et les caractéristiques de la pauvreté, et en commentant les mécanismes à l’œuvre caractérisant la récession prolongée en Afrique urbaine. Ainsi, il brosse le tableau assez sombre de la situation de l’Afrique en termes de développement humain, de santé, de corruption, de déstabilisation politique, ceci dans un contexte de croissance urbaine particulièrement rapide. En s’appuyant sur diverses données dont il souligne les problèmes de validité et l’évolution des méthodes d’évaluation, il montre que les urbains ont fortement subi la récession des dernières décennies, que la pauvreté est un phénomène à la fois rural et urbain. Il souligne le rôle central de la dynamique du marché du travail dans la récession, l’augmentation des niveaux de formation, le blocage des recrutements dans la fonction publique, et aussi que la déréglementation n’a pas engendre de croissance. Il indique les stratégies de résistance mises en œuvre par les individus, et aussi quelques raisons d’espérer.
Jean-Marie Cour, consultant ECOLOC, propose quelques éléments de réflexion tirés de l’étude des perspectives à long terme en Afrique de l’Ouest (WALTPS en anglais) et du programme ECOLOC. En commentant l’étude WALTPS, une étude effectuée en 1991 et qu’il estime utile de refaire, il souligne tout d’abord que la réduction de la pauvreté nécessite une croissance économique très soutenue, voire forte, pendant plusieurs années, que la redistribution du peuplement peut prendre des générations, puis que le processus de développement est à considérer dans une dimension systémique, et qu’il convient d’intégrer la dimension spatiale territoriale (tout n’est pas possible partout). Il évoque d’autres aspects de cette étude : l’essai de réinterprétation de l’histoire économique, l’étude des mécanismes de fonctionnement de l’économie populaire, la prise en compte du rôle de la monnaie et du poids du contexte international, la nécessaire protection des marchés en Afrique. Dans la deuxième partie de son exposé, Jean-Marie Cour présente les études ECOLOC consacrées à l’observation des économies locales et qui visent à aider les décideurs locaux publics et le dialogue social. Ce programme porte sur des villes secondaires, prend bien sûr en compte le secteur informel, montre que l’économie de ces villes est effectivement productive. Jean-Marie Cour estime que le manque de dépense publique locale freine l’enrichissement, l’étude aboutissant donc au constat d’une extraordinaire pauvreté des collectivités locales et non pas de l’individu. Il dessine enfin ce que pourrait être l’extension de cette étude pour aborder la pauvreté au niveau urbano-rural.
Jean-Pierre Dufay, directeur général de l’IAURIF, propose un commentaire critique de la conférence Habitat II + 5 qui s’est tenue à New York, cinq ans après la conférence d’Istanbul à propos du rôle des villes dans le développement. Il en évoque les points négatifs (blocages par certains Etats de discussions sur le droit au logement, retrait des ONG par rapport à 1996) et les points plus positifs (reconnaissance du rôle des pouvoirs locaux). Il observe que le phénomène de métropolisation et de la géographie des villes globales a été peu abordé. En revanche, la notion de gouvernance partenariale progresse, mais pas suffisamment. L’impression générale est plutôt celle d’une déception par rapport à l’élan d’Istanbul et aux espérances que ce premier sommet avait pu générer.
Marie-Alice Lallemand-Flucher (DEXIA) se propose tout d’abord de présenter le programme Cities Alliance, programme multilatéral de coopération créé à l’initiative de la Banque Mondiale et de l’ONU dont les axes principaux visent à un traitement global de la réhabilitation des bidonvilles et à la mise en place des plans pluriannuels de développement au niveau global d’une ville. Elle indique comment DEXIA participe à ce programme. Dans un second temps, elle décrit les conditions indispensables pour promouvoir une politique d’emprunt réussie pour le financement du développement urbain dans les pays en développement : mise en place d’un cadre institutionnel et réglementaire stable, développement d’une capacité de gestion financière prévisionnelle, possibilité pour la collectivité locale de s’appuyer sur des interlocuteurs financiers adéquats.
En faisant référence à une recherche sur la sécurité de la tenure foncière au Brésil, en Inde et en Afrique du Sud et à des travaux de recherche présentés lors d’une séminaire du réseau de chercheurs N-AERUS, Alain Durand-Lasserve (CNRS) aborde l’informalité et l’illégalité des établissements humains et l’approche de la lutte contre la pauvreté dans ces trois pays. Ayant brossé le tableau de la situation (inégale distribution des ressources et des richesses induisant pauvreté, informalité de l’habitat et difficultés chroniques d’accès au sol), commenté la nuance entre illégalité et informalité et souligné que l’illégalité des quartiers contribue à la détérioration économique des ménages pauvres, il rend compte d’une étude comparée des politiques d’intégration des quartiers informels ou illégaux dans les trois pays et de leurs rôles dans la lutte contre la pauvreté. Dans le cas de l’Inde, où l’on observe une grande capacité d’innovation et une certaine expérience (politiques datant des années 1970), au milieu de la diversité des expériences, l’auteur retient deux éléments : la dissociation entre la régularisation juridique des quartiers et leur équipement, et la cession du bail au bénéfice des occupants de certains quartiers irréguliers. Il montre que l’intérêt de l’expérience brésilienne réside dans les innovations introduites par la Constitution de 1988 : limite de la notion de propriété privée, assouplissement des règles relatives à la prescription acquisitive au bénéfice des groupes à bas revenus, reconnaissance de la notion de gestion participative. Pour l’Afrique du Sud, Alain Durand-Lasserve met en évidence les effets pervers de l’accession à la propriété. Face au contexte contradictoire de volonté de lutte contre la pauvreté et mise en place d’une politique économique néolibérale, il met enfin en évidence les facteurs de succès de la lutte contre la pauvreté : croissance économique, reconnaissance constitutionnelle du droit au logement et assouplissement des règlements d’urbanisme et de la construction.
Nicolas Widmer, architecte-urbaniste et chef d’un projet d’appui à la décentralisation à Madagascar, commente les évolutions stratégiques vécues par la Coopération française, et notamment par « l’Ecole française urbaine », dans ses interventions visant à lutter contre la pauvreté dans les villes malgaches. Il indique comment, des années 1960 aux années 1990, l’appui aux villes est passé du schéma directeur à un appui pour la gestion des villes, puis, pendant la période 1990-2000, à l’appui à la gouvernance avec des projets de recensements fonciers fiscaux et d’appui à la gestion des services techniques et financiers. Il évoque les résultats obtenus en termes de recettes dans plusieurs villes malgaches. La lutte contre la pauvreté s’est développée par des projets d’appui aux initiatives de quartiers (PAIQ), la mise en place d’une démarche conjointe entre ces PAIQ et les projets d’appui à la gestion urbaine (PAGU), associant ainsi démarche associative et démarche institutionnelle, ce qui se traduit par une commune maître d’ouvrage et une association maître d’ouvrage délégué. Quatre axes stratégiques qui sont les chapitres du programme urbain de lutte contre la pauvreté sont formulés : gouvernance urbaine, cadre de vie et habitat, croissance économique, intégration sociale urbaine. Dans la dernière partie de son exposé, Nicolas Widmer expose comment ces stratégies peuvent évoluer selon trois grands axes : développement local, gouvernance participative, contractualisation entre les divers niveaux.
Poverty and Urban Exclusion
Study day – 7 september 2001 « synthesis »
Both the papers and the discussions at this workshop showed that there are sound economic analyses of poverty. However, such analyses need to be directed at a broader sample of cities and it is important to be able to analyze and develop policies on scales that are relevant to local government areas, in particular cities. They also show that there is a close link between the quality of local democratic debate and the success of local development strategies.
François Roubaud (DIAL) described some of the principles of diagnosis with regard to poverty and recession in African metropolises while presenting the major trends affecting the economic and urbanization dynamic in Africa, describing some case studies that show these changes and the characteristics of poverty, and commenting on the mechanisms that underlie the prolonged recession in urban Africa. He thus painted a fairly bleak picture of the situation in Africa with regard to human development, health, corruption and political destabilization in a context of extremely rapid urban growth. Based on varied data, he showed that the urban population has suffered greatly from the recession in recent years and that poverty is both a rural and urban phenomenon, while at the same time highlighting the problems of validity associated with the data and changing methods of evaluation. He emphasized the central role job markets play in the recession, the increase in levels of training, the freeze on recruitment in the civil service, and also the fact that deregulation has not led to growth. He described the resistance strategies employed by individuals and a few grounds for hope.
Jean-Marie Cour, a consultant at ECOLOC, presented some insights drawn from the West African Long-Term Prospective Study (WALTPS) and the ECOLOC programme. Speaking about the WALTPS study, which was conducted in 1991 and which he considered would be worth repeating, he first highlighted that poverty reduction requires very sustained, or even strong, economic growth for several years, that the redistribution of population may take generations, that the development process should be considered from a systems standpoint, and that the spatial dimension should also be included (but everything is not possible everywhere). He also described other aspects of the study: the attempt to interpret economic history, a study of the operating mechanisms of the popular economy, consideration of the role of money and the international context and the need to protect markets in Africa. In the second half of his paper, Jean-Marie Cour presented the ECOLOC studies that aim to observe local economies and assist local public decision-makers and social dialogue. The programme deals with secondary cities, obviously taking account of the informal sector, and shows that the economy of these cities is effectively productive. Jean-Marie Cour considered that the lack of local public expenditure restricted wealth creation, with the study therefore reaching the conclusion that it is the local authorities and not the individuals that are extraordinarily poor. He ended by describing a possible extension of the study to deal with poverty at the urban and rural interface.
Jean-Pierre Dufay, managing director of the IAURIF, presented a critical commentary on the Habitat II + 5 Conference that was held in New York, five years after the Istanbul Conference on the role of cities and development. He described the negative points (the blocking of discussions on the right to housing by certain governments, and the diminished presence of NGOs compared with 1996) and the more positive points (recognition of the role of local authorities). He remarked that little attention was paid to the phenomenon of metropolitization and the geography of the world’s cities. However, the concept of partnership governance is gaining ground, but not sufficiently. The general impression is one of disappointment after the momentum of the first summit at Istanbul and the hopes raised there.
Marie-Alice Lallemand-Flucher (DEXIA) began by presenting the Cities Alliance programme, which is a multilateral cooperation programme set up on the initiative of the World Bank and the UN whose principal aims are to provide a comprehensive approach to the regeneration of shanty towns and the implementation of comprehensive city-wide multi-annual development plans. She described DEXIA’s involvement in this programme. She then described the conditions which are indispensable for promoting a successful borrowing policy in order to finance urban development in developing countries: setting up a stable institutional and regulatory framework, developing a forward looking financial management capacity, possibility of the local authority obtaining support from suitable financial negotiators.
Referring to research into the security of land tenure in Brazil, India and South Africa and research presented at a seminar that brought together researchers from the N-AERUS network, Alain Durand-Lasserve (CNRS) spoke about informality and illegality in human settlements and the approach to poverty reduction in the three countries. After describing the situation (unequal distribution of resources and wealth leading to poverty, informal housing and chronic land access problems), the speaker discussed the distinction between illegality and informality and highlighted that illegality played a role in worsening the economic situation of poor households, going on to describe a comparative study of policies to integrate informal or illegal districts in the three countries and the role these policies play in poverty reduction. In the case of India, which has a large capacity to innovate and a certain amount of highly diverse experience (policies dating from the 1970s), the author selected two factors: the decoupling of the legal regularization of districts from the provision of amenities and the granting of leases to occupants of some irregular settlements. He then showed that what is interesting about Brazil’s experience is the innovations introduced by the Constitution of 1988 which established a limit to the concept of private property, relaxed rules of acquisitive prescription to the benefit of low income groups, and recognized the participatory management concept. In the case of South Africa, Alain Durand-Lasserve showed the counterproductive effects of property ownership. In the contradictory situation where the fight against poverty coexists with the introduction of a neoliberal economic policy, he highlighted the factors that militate in favour of poverty reduction: economic growth, constitutional recognition of the right to housing and relaxation of urban planning and construction regulations.
Nicolas Widmer, who is an architect and town-planner and leader of a project to support decentralization in Madagascar, spoke of the way, in Malagasy cities, the “French Urban School’s” development aid strategy has changed, in particular with regard to poverty reduction. He showed how, between the 1960s and the 1990s, support to cities changed from land use plans to urban management and then, between 1990 and 2000, to the support for governance with fiscal land census-taking and the provision of management support for technical and financial services. He described the impacts on revenue in several Malagasy cities. The fight against poverty has continued with the so-called Neighbourhood Initiative Support Projects (PAIQ), the setting up of a joint approach involving the PAIQs and the Support Projects for Urban Management (PAGUs) which combines the associational and institutional approaches taking the form of a common project owner and an association which is its field representative. Four strategic priorities for the urban poverty reduction programme were formulated: urban governance, living environment and housing, economic growth and urban social integration. In the last half of his paper, Nicholas Widmer described how the strategies may evolve into a three-pillar structure: local development, participatory governance and contractualization between the tiers.