Synthèse Journée d’Étude AdP
du vendredi 5 septembre 1997
Partant du constat d’insatisfaction et des échecs des modes en vigueur dans la préparation de projets, ce qui se traduit notamment par une augmentation du pourcentage de projets de la Banque Mondiale n’ayant pas atteint leurs principaux objectifs, cette journée se propose, à travers plusieurs interventions suivies de séances de questions-réponses, et d’une table ronde de donner plusieurs points de vue sur les pratiques (méthodes de négociation et de montage), les enjeux et les différents acteurs (collectivités locales, institutions, citoyens, ONG) de la négociation des projets.
Jean-Marie Tétart, maire de Houdan, expose le point de vue et l’approche d’une collectivité locale engagée dans un partenariat pour la réalisation d’un projet d’aide au développement. Il décrit aussi bien la démarche d’une collectivité locale d’un pays en développement à la recherche d’un tel partenariat que celle d’une collectivité locale du Nord dans son engagement dans un processus de coopération décentralisée ou de jumelage. Se demandant si l’intervention des collectivités locales dans le domaine de la coopération et de l’aide au développement n’est pas une réponse aux problèmes rencontrés par l’aide internationale, il met en lumière les caractéristiques des relations qui se construisent progressivement entre les collectivités locales ainsi engagées dans un partenariat. Il ne s’agit pas là de fournir des experts et des sources de financement mais d’établir une connaissance réciproque, des possibilités d’aide ponctuelle et efficace, une assistance à l’organisation, mais aussi de partager des problèmes.
Jean-David Naudet, membre d’un centre de recherches franco-européen, DIAL, et impliqué dans un groupe de réflexions et de discussions entre donateurs et pays bénéficiaires dans le cadre du club du Sahel. Ce groupe a décidé d’entreprendre un bilan de vingt ans d’aide au Sahel et c’est la part de ce bilan qui traite des critiques du fonctionnement, des instruments et des méthodes de l’aide que Jean-David Naudet se propose de présenter. Il constate ainsi que l’aide est conduite par l’offre : les donateurs sont largement dominants dans toute la pratique et l’attribution de l’aide, l’aide apparaissant presque comme subie. Il décrit ensuite les mécanismes et raisons des effets pervers de l’ensemble des systèmes d’aide : déstructuration des systèmes institutionnels locaux, saturation du nombre de projets conduisant à une perte d’efficacité et une saturation de certaines institutions bénéficiaires, effet de dépendance et d’éviction. Il propose alors des explications sur le fait que l’on ne parvienne pas à surmonter ces problèmes et indique les enseignements tirés de l’examen de l’expérience Sahel : construire des instruments plus souples et plus adaptés, renforcer les mécanismes d’expression d’une demande d’appui motivée, diminuer la visibilité et augmenter l’impact, sortir d’une logique d’urgence et de crise pour accompagner le développement.
Louis Lhopital, chargé de programme urbain à l’Association française des Volontaires du Progrès (AFVP) et s’occupant plus particulièrement des projets de quartiers en Afrique, et Bruno Guérin qui agit dans la coopération décentralisée entre deux collectivités locales, commentent leurs expériences d’intervention en ONG en s’intéressant principalement à la participation des citoyens et aux enjeux qui les concernent.
Louis Lhopital évoque plus particulièrement le programme PACOM financé par la Banque Mondiale pour un projet situé en Côte d’Ivoire et portant, d’une part, sur la réhabilitation et l’amélioration des conditions de vie dans des quartiers sous-équipés et précaires, et, d’autre part, sur la mise en place d’un dispositif d’animation de la concertation. Il commente le rôle, la stratégie et les attentes des différents acteurs (l’Etat ivoirien, la Banque Mondiale qui est le bailleur, les collectivités locales, les habitants et les usagers), puis propose un bref bilan relativement critique sur le traitement de la demande, la possibilité de négociation, la représentativité, la pérennité de la dynamique sociale, la complexité des modes d’intervention.
Bruno Guérin, quant à lui, évoque un projet de construction de puisards et d’aires de lavage individuelles dans la ville de Kayes. Il revient sur la genèse de ce projet, la recherche et l’utilisation des compétences locales qui a abouti à la création de GIE d’opérateurs en assainissement. Il commente alors le rôle, la stratégie et les intérêts des différents acteurs : la municipalité, les services déconcentrés de l’Etat malien, les GIE, les populations locales et le bailleur-opérateur. Il souligne en particulier le problème de déphasage de rythme entre certains des acteurs, notamment du fait que les élections municipales maliennes sont prévues et sans cesse repoussées.
Jean-Louis Venard (CFD), en s’appuyant sur l’expérience de projets de développement urbain, mais aussi d’hydraulique urbaine, de développement rural ou de construction de marchés financés par la CFD en Afrique et en Asie du Sud-Est, se propose de brosser le tableau de l’évolution des pratiques de montage financier par la Banque Mondiale depuis 1972, date du premier projet urbain de la Banque. Il distingue trois périodes : celle des dix premières années qui a été celle de « l’apprentissage par l’action » (learning by doing), celle de des projets de la fin des années 1980 où l’accent a été mis sur la productivité, la fourniture de services urbains, le développement institutionnel et les politiques sectorielles, et celle du début des années 1990 où l’accent a été mis sur les questions environnementales. Il propose une forme de bilan en évoquant quelques avancées significatives, mais aussi un certain constat d’échec de l’aide projet, et en soulignant que le projet urbain se présente comme un compromis d’intérêts. Dans une dernière partie de son intervention, Jean-Louis Venard, se tournant vers l’avenir, fait part des incertitudes pesant sur les projets urbains financés par l’aide française dans un contexte de réduction de l’aide publique au développement et de réorganisation du dispositif institutionnel de l’aide.
Exposant le point de vue d’un acteur institutionnel, Françoise Bénard, responsable de l’évaluation des projets financés par l’aide bilatérale française dans les pays relevant de l’aide au développement hors champ de la coopération, décrit l’organisation des projets financés par la Coopération financière (les Protocoles) et rassemblant comme acteurs des entreprises françaises, l’administration et les autorités du pays bénéficiaire. Ayant évoqué les montants de ces financements dans le domaine urbain (eau et assainissement, infrastructures de transport comme le métro de Mexico ou celui de Djakarta, équipements hospitaliers), elle dresse un bilan mitigé de ces protocoles : des entreprises françaises généralement bénéficiaires, des objectifs atteints pour les pays bénéficiaires mais un équilibre financier et une contribution durable au développement incertains, et pratiquement pas d’effet levier pour les intérêts de la France. Elle évoque enfin la réforme en cours des protocoles.
Claude Baehrel appartient au CCFD, une ONG née en 1962 pour organiser les premières campagnes contre la faim. Il indique les origines des fonds de l’ONG, les évolutions des domaines d’allocation financière. Ayant souligné que l’action de l’ONG vise principalement, non pas à l’apport d’investissements et de moyens, mais à donner la capacité aux acteurs locaux d’être pleinement responsables de leurs actions, il concède que la notion de projet est pour son ONG une notion difficile à définir : il n’y a pas de personnes sur place, pas de chefs de projet au CCFD. L’action visant à développer les capacités locales, on assiste à l’émergence d’acteurs locaux, Claude Baehrel distinguant alors organisations populaires et ONG, les premières étant endogènes, pas forcément locales, et les secondes étant exogènes au milieu qu’elles animent. Chacune de ces organisations a ses propres acteurs. Ceci contribue aussi à complexifier le dialogue. Claude Baehrel commente également la relation entre bailleur de fonds et acteurs de développement, l’instauration d’un dialogue pour s’accorder sur les principaux choix, les orientations sur le développement, puis la relation entre le CCFD et ses partenaires locaux pour mener une forme d’évaluation des actions.
Une table ronde réunit les intervenants et d’autres présents dans la salle sur des questions relatives au contenu et à l’utilisation de la notion de projet.
Issues related to project negociations
Study day – 5 september 1997 « Synthesis »
The starting point for this workshop was the inadequacy and failure of current project preparation procedures, which, in particular, has led to a higher percentage of World Bank projects failing to achieve their principal goals. It set out to present several points of view on the practices (negotiation and organization), issues and the different actors (local authorities, institutions, citizens, NGOs) involved in project negotiation through a number of papers followed by question and answer sessions and a round table.
Jean-Marie Tétart, the mayor of Houdan, presented the point of view and approach of a local authority which became involved in a partnership in order to carry through a development aid project. He described both the approach followed by a local authority from a developing country looking for a partnership of this type and that of a local authority in the North that is committed to being involved in a decentralized cooperation or twinning process. He wondered if the involvement of local authorities in cooperation and development aid does not provide a response to the problems faced by international aid, and described the ties which gradually build up between the local authorities engaged in this sort of partnership. What is involved is not providing experts and sources of finance but getting to know each another, identifying opportunities for one-off effective assistance, setting up organizational assistance, but also sharing problems.
Jean-David Naudet, who belongs to a Franco-European research centre, DIAL, is involved in a think tank and discussion group that brings together donors and beneficiary countries in the framework of the Sahel club. This group decided to conduct a review of twenty years of aid in the Sahel and Jean-David Naudet set out to present the part of this review which dealt with criticisms of the operation of aid and the instruments and methods employed. He observed that aid is governed by supply: donors very much dominate the allocation and management of aid, aid almost appears to be imposed on recipients. Next he described the mechanisms and reasons that lie behind the counterproductive effects of all aid systems: the destructuring of local institutional systems, an excessive number of projects leading to a loss of effectiveness and saturating some beneficiary institutions, the dependency effect and the crowding out effect. He then gave some explanations as to why we are unable to overcome these problems and described the lessons that had been drawn from experience in the Sahel: we need to create more flexible and appropriate instruments, build up mechanisms for presenting a well-argued request for support, reduce visibility and increase impact, and assist development rather than concentrating on emergencies and crises.
Louis Lhopital, who is responsible for the urban programme of the French Association of the Volunteers of Progress (AFVP) and particularly involved in neighbourhood projects in Africa, and Bruno Guérin who is active in decentralized cooperation between two local authorities, described their experience of NGO action that was principally concerned with the participation of citizens and the issues that concern them.
Louis Lhopital paid particular attention to the PACOM programme, which is financed by the World Bank. It involves a project in Côte d’Ivoire that aims to regenerate squatter settlements with poor facilities, improve living conditions in them and set up a leadership and consultation system. He described the role, strategy and expectations of the various protagonists (the government of Côte d’Ivoire, the World Bank which is the donor, the local authorities, the population and the users), then gave a brief and relatively critical review of how the request has been dealt with, the representativeness and durability of the social dynamic and the complexity of the modes of intervention.
Bruno Guérin described a project to build individual cesspools and washing areas in the city of Kayes. He spoke about the project’s genesis and the attempt to find and use local skills which led to the creation of economic interest groups of drainage operators. He then described the role, strategy and interests of the different protagonists: the municipality, decentralized departments of the government of Mali, the economic interest groups, the local populations and the donor-operator. In particular, he stressed the problem of a phase difference between some actors, in particular because Malian municipal elections are scheduled and constantly postponed.
Jean-Louis Venard (CFD), referring to experience of urban development projects, but also urban hydraulic engineering, rural development or market construction projects financed by the CFD in Africa and South-East Asia, set out to describe how the World Bank’s practices with regard to financial arrangements have changed since 1972, which was the date of its first urban project. He identified three periods: the first ten years which was a period of “learning by doing”, that of the 1980s where emphasis was placed on productivity, the provision of urban services, institutional development and sectorial policies, and that of the early 1990s where emphasis was placed on environmental issues. He presented a review describing some significant progress but also failures in project assistance, and stressed that urban projects involve trade-offs between different interests. In the last part of his paper, Jean-Louis Venard turned towards the future, describing the uncertainty that hangs over urban projects funded by French aid as State development aid has been reduced and the institutional aid system is being reorganized.
Describing the standpoint of an institutional player, Françoise Bénard, who is responsible for evaluating projects funded by French bilateral aid in countries receiving development aid outside the scope of cooperation, described the organization of projects funded by financial cooperation (the Agrrements) bringing together as actors French firms, the administration and the authorities in the beneficiary country. She then described the total amount of this funding for urban projects (water and drainage, transport infrastructure such as the Mexico or Djakarta metros, hospitals), and went on to give a mixed appraisal of the Agreements: French firms generally benefit, the objectives are reached for the beneficiary countries, but financial equilibrium and a long-term contribution to development are uncertain, and there is almost no leverage effect for French interests. She ended by describing the ongoing reform of the Agreements.
Claude Baehrel is a member of the CCFD, an NGO founded in 1962 to organize the first anti-famine campaigns. He described the sources of its funds, and changes in the areas where it allocates finance. Having emphasized that the NGO’s activities are principally targeted not at providing investment and resources but at providing local actors with the capacity to be fully responsible for their actions, he admitted that the concept of project is difficult to define for his NGO: the CCFD has nobody in the field and no project leaders. As its activities aim to develop local capacities, it leads to the emergence of local actors. Claude Baehrel then made a distinction between popular organizations and NGOs, the first being endogenous, but not necessarily local, and the second being exogenous to the area they operate. Each of these organizations has its own actors. This also makes dialogue more complex. Claude Baehrel also spoke about the relationship between the donor and development actors, the introduction of a dialogue in order to reach agreement on the major decisions and development policies, and then the links between the CCFD and its local partners with a view to appraising its activities.
A round table brought together the speakers and others present in the hall on issues relating to the meaning and use of the concept of project