Téléchargez le bulletin complet
La production sociale de l’habitat (PSH) est un mode de faire la ville via des solutions innovantes par et pour les habitants. Elle apporte une réponse aux enjeux de l’urbanisation. UrbaMonde et le réseau CoHabitat que l’association anime accompagnent des groupes d’habitants dans sa mise en œuvre.
La PSH développe un partenariat horizontal où l’habitant, placé au centre, porte le processus de transformation urbaine. Les acteurs publics accompagnent les habitants avec des politiques foncières non-spéculatives, des mécanismes de financement adaptés au contexte socio-économique, des outils de planification et une assistance technique. Ils prennent en compte le rôle des habitants-usagers et promeuvent la capacité d’agir de ces derniers pour transformer leur environnement.
Ces partenariats peuvent prendre différentes formes. En Namibie, la Fédération nationale a négocié un partenariat avec le gouverne-ment central pour la dotation de son fonds urbain pour l’amélioration de l’habitat. La co-construction d’une politique publique d’accès au logement a permis de drainer des dotations complémentaires par la Banque de Namibie. Des subventions publiques peuvent également être accordées et gérées directement par les communautés concernées, pour l’exécution de leurs projets d’habitat et d’amélioration de quartier, par exemple via des budgets participatifs.
Des politiques collaboratives, inclusives et durables
Ce processus de production de la ville est le plus répandu dans les pays du Sud et de plus en plus reconnu comme un processus à fort potentiel pour un habitat décent à destination du plus grand nombre. En reconnaissant l’importance de l’action collective des habitants et des usagers, en suscitant l’auto-gestion, la mise en commun des besoins de logement, des ressources économiques, des savoir-faire, la PSH apporte une réponse aux défis mondiaux de l’urbanisation et à l’urgence des besoins des citoyens. Elle permet de développer des systèmes alternatifs d’accès au foncier et de production d’un habitat autogéré, non-spéculatif et participatif. Elle s’inscrit en rupture avec la marchandisation des espaces urbains et du logement, des déplacements et avec l’éviction des populations pauvres des centres villes.
Des financements mutualisés
Les coopératives d’habitants par aide mutuelle développées par la Fédération uruguayenne des coopératives (FUCVAM), en pleine expansion depuis les années 1970, en sont un exemple. En Uruguay, la mobilisation des habitants a permis la constitution de fonds publics opérant des prêts directs à des habitants organisés en coopérative, à des conditions avantageuses. Depuis les années 2000, avec l’appui du Centre coopératif suédois (aujourd’hui We Effect), ce modèle uruguayen déjà présent en Argentine et au Brésil a pu être expérimenté en Bolivie, au Chili, au Costa Rica et en Haïti. Il vise à inspirer les politiques publiques au Guatemala, au Honduras, au Nicaragua, au Paraguay et au Salvador.
Aujourd’hui, chacun de ces pays dispose d’une fédération nationale des coopératives de logement pour créer des projets et, à terme, s’entraider notamment dans le financement collaboratif de terrains pour de nouvelles coopératives.
En Asie et en Afrique, une quarantaine de fédérations d’habitants des quartiers précaires structurées au sein des réseaux Asian Coalition for Housing Rights (ACHR) et Slum Dwellers International (SDI) mènent des pro-jets de restructuration urbaine, de production de logement et d’équipements grâce à la mise en commun de leur épargne, au plaidoyer politique et à la collecte de données collaboratives. Elles ont su mettre en place des mécanismes de finance entre pairs (urban poor funds) leur permettant de renforcer leur capacité d’agir et de négociation. Le modèle des community land trust (CLT) – ou organismes fonciers solidaires – est né dans les années 1960 aux États-Unis pour garantir l’accès au foncier pour les communautés discriminées. Il s’est répandu en Amérique du Nord (plus de 400 CLT existants) et s’est adapté dans les quartiers irréguliers de pays du Sud.
CoHabitat, un réseau fédérateur
La démonstration par l’exemple, l’échange d’expériences, le renforcement de capacités entre pairs, le plaidoyer politique et le développement d’outils financiers solidaires sont essentiels pour consolider la PSH comme mode de fabrique de la ville dans les pays du Nord et du Sud. C’est ce que propose le réseau CoHabitat.
Depuis 2014, le réseau fédère les principales organisations d’habitants : SDI, ACHR, Habitat International Coalition, Cooperative Housing International, Global Land Alliance, Grounded solutions network et des acteurs tels queWorld Habitat, We Effect, Development Planning Unit.
UrbaMonde, association franco-suisse, facilite la mise en œuvre des activités du réseau CoHabitat. À travers l’accompagnement de projets d’habitat collaboratif et le développe-ment d’une ingénierie financière spécifique à la PSH, l’échange d’expériences et de pratiques, la formation entre pairs, la collecte de données (plateforme collaborative open data) et la formulation d’un plaidoyer commun, UrbaMonde et CoHabitat renforcent la place des habitants en agissant sur les politiques publiques pour accélérer cette fabrique solidaire de la ville.
L’originalité du réseau se puise dans sa logique décentralisée, multi-acteurs et sa capacité à fédérer des acteurs de la PSH sous une voix commune pour garantir l’accès du plus grand nombre à un habitat adéquat et durable.
Depuis 2017, pour soutenir l’émergence des coopératives de logement en propriété collective, UrbaMonde développe de l’ingénierie financière avec le Fonds pour l’habitat solidaire. À travers ce fonds, des contributeurs suisses peuvent placer leur épargne pour permettre à des groupes d’épargne au Sénégal d’avoir accès au capital initial – nécessaire mais non disponible auprès des banques locales – pour améliorer leur habitat dans la banlieue de Dakar.