Vidéo-conférence, 21-09-2021
Thème et animation
« Le projet d’urbanisation et de formalisation du quartier Padre Mugica»
Zoom sur le programme d’amélioration de l’habitat du Secrétariat d’intégration sociale et urbaine
Mairie de Buenos Aires – Argentine
Présenté par :
Lucie van der Meulen (Atelier Minga), +33 7 82 12 72 00, contact@atelier-minga.com
www.atelier-minga.com
Introduit et commenté par : Michel CARON
Synthèse de l’intervention
Lucie est intervenue dans le cadre de ce projet en tant que Responsable de la planification stratégique à la Direction générale de l’amélioration du logement, elle-même relevant du Secrétariat d’intégration urbaine et sociale de la Mairie de Buenos Aires.
Les projets de requalification d’habitat faisant partie d’un projet plus vaste englobant les questions d’infrastructure, d’éducation et de développement socio-économique entre autres, il importait de donner à comprendre les grandes lignes du projet dans son ensemble historique et dans ses principaux objectifs pour mieux saisir le contexte d’intervention sur le logement.
1. Éléments de contexte (physique, institutionnel et social)
La Villa 31 -ou Villa 31 y 31 Bis ou Barrio 31, aujourd’hui appelé Quartier Padre Mugica du nom du père qui fut le porte parole et le défenseur des habitants du quartier – est un domaine de 71 ha avec quelque 12.825 logements recensés et où habitent plus de quarante-deux mille habitants. Il s’est constitué depuis les années ’30 en empiétant graduellement sur des terrains appartenant à l’État, absorbant une partie du port et de son parc ferroviaire, ainsi que d’autres domaines adjacents plus petits et également de propriété souveraine.
Ce trois-quarts de km2 du site est disposé de façon parallèle au littoral et fait office de longue barrière entre certains des quartiers les plus nantis de la nation et leur littoral, constituant donc un obstacle majeur à la continuité et la cohérence de la ville à l’égard de son lieu même d’origine. Historiquement, ces terres ayant toujours été la propriété de la Nation, la plupart des gouvernements ont exercé une forte opposition à céder les terrains à la Mairie de Buenos Aires. Notamment car les habitants sont des migrants européens et en provenance de pays voisins (Pérou, Bolivie, Paraguay) en quête d’une meilleure situation économique et politique.
La Villa 31 est aussi située à la confluence de réseaux ferroviaires local et régional, de la gare régionale d’autobus et de l’autoroute desservant le centre de la ville formelle. Elle est aussi en continuité spatiale, mais déconnectée, avec certains espaces publics majeurs donnant à la ville formelle une partie de son caractère le plus emblématique (Le quartier Recoleta est en face de la Villa 31 et est un des quartiers les plus chers de Buenos Aires).
Depuis près d’un siècle, cette situation tend à antagoniser la relation politique entre porteños (gentilé pour les habitants de Buenos Aires) de deux classes et mondes séparés. Plusieurs tentatives ont été pratiquées pour déguerpir ces colons allant jusqu’à l’éviction forcée durant la période dictatoriale, sans réussite. Comme dans d’autres villas au pays ou ailleurs, la résistance a souvent eu raison des efforts de déguerpissement des autorités. La reconstruction a suivi la démolition et la ville informelle a toujours eu tendance à ressusciter in situ. Dans le cas de la Villa 31, elle est même réapparue avec une vigueur renouvelée dans une expansion à la fois territoriale et verticale.
2. Le Secrétariat d’intégration urbaine et sociale – SISU – et l’urbanisation du Quartier Padre Mugica
Depuis fin décembre 2015, une convergence d’intérêts politiques aux niveaux municipal, régional et national a pu engendrer une nouvelle approche avec comme objectifs principaux une régularisation du foncier pour les résidents et titulaires commerciaux, la réhabilitation de propriétés, la construction de nouveaux logements en vue du besoin de relocalisation de certains cas à l’intérieur même de l’enceinte de la Villa 31, et généralement un accès plus équitable aux services sociaux et autres équipements de la ville formelle.
En 2015 le SISU a été créé pour amorcer cette initiative de restructuration intégrale du site. Le SISU travaille de pair avec la Banque mondiale et la Banque interaméricaine de développement, chacune agissant dans des aspects distincts et complémentaires du projet. Pour ne donner qu’un seul exemple, la Banque mondiale a construit de nombreux logements (superficie aménagée plus de 10 ha) dans un nouvel aménagement parallèle au fleuve, destiné à accueillir les déplacés anciennement localisés sous l’autoroute sur pilotis et à la pointe nord du périmètre du quartier.
3. Les axes de travail du SISU
Le projet dans son ensemble était donc doté des objectifs suivants :
- Régularisation du foncier, allocation de titres de propriété
- Remédiation structurale des bâtiments pouvant être sauvés
- Relocalisation des habitants logeant sous l’autoroute surélevée dans de nouveaux bâtiments construits localement
- Équilibrage de l’accès aux ressources institutionnelles (éducation, logement, santé, espaces de loisirs…) avec construction de nouveaux centres sur place
- Construction in situ des bureaux du Ministère de l’Éducation de la Ville de Buenos Aires (la ville de Buenos Aires étant régie par un statut d’autonomie a nommé ses organes/commissions Ministères)
- Requalification d’un marché public et d’une séquence d’espaces publics le long de voies principales
- Requalification de façades et travail sur l’identité et l’image du quartier
- Désenclavement de la parcelle avec diverses interventions, dont la construction d’une passerelle piétonnière vers la ville formelle (projet controversé qui n’a pas complètement atteint la ville formelle, mais contribue tout de même en partie au désenclavement)
- Connexion aux réseaux, travaux d’assainissement, connexion à l’électricité
- Amélioration de la voirie principale, secondaire et voies piétonnes, de la circulation et de la signalisation
- Construction de bornes de vélo municipaux en libre service à l’entrée du quartier
- etc.
Après plusieurs années, le projet conserve une partie de son élan en dépit de changements politiques et autres contraintes transformatives du projet. Certaines constructions et institutions sont déjà installées et fonctionnelles (notamment des crèches, des écoles primaires, un collège, des centres de santé, deux centres d’accès à l’emploi et de formation, un centre pour les femmes, des centres d’activités collectives, etc.) .
Il est intéressant de noter que les profils des professionnels investis dans ce projet sont pour la plus grande majorité des architectes n’ayant pas toujours la capacité de se projeter sur des projets de reconfiguration d’ampleur. Le métier d’urbaniste étant en train de s’installer dans les pratiques professionnelles, peu d’entre eux appréhendent le territoire de la Villa 31 comme un ensemble mais plutôt éléments par éléments (logements par logements). Un changement dans les pratiques est à noter depuis 3 ans. D’une intervention au niveau du logement les professionnels de la Direction de l’Amélioration du Logement sont passés à une intervention de reconfiguration englobant de nombreux lots de manière à améliorer les interventions finales en termes de ventilation, aération, luminosité et de surface et in fine pouvoir régulariser et donner les titres de propriétés.
Documents
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