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Si on passe en revue la formation des urbanistes et l’encadrement de la profession dans les pays d’Afrique australe, deux questions se posent, à replacer dans le contexte africain : « que fait un urbaniste ? » et « que devrait savoir un urbaniste ? ». Dans toute la région, la planification urbaine relève de l’action de l’administration publique, par l’intermédiaire soit de fonctionnaires, soit de consultants sous contrat. Par conséquent, la planification urbaine reste influencée par la politique. Les urbanistes consultants effectuent des travaux répétitifs tels que revue du zonage, lotissements et ordonnancement de villes, tandis que les urbanistes fonctionnaires municipaux pilotent la planification urbaine stratégique. Répondre à la question de ce que les urbanistes devraient savoir est donc directement lié à leur choix de positionnement professionnel, dans le secteur public ou privé. Point commun, les urbanistes doivent connaître le territoire pour lequel ils exercent, en utilisant une focale théorique afin de fournir des solutions pratiques aux problèmes d’usages tels qu’ils se posent. Leurs domaines d’intervention peuvent inclure les transports, le développement économique, le logement, la régénération urbaine, la protection de l’environnement et le conseil en environnement.
Les exigences pédagogiques en matière d’urbanisme varient suivant les pays, avec des différences mineures. Celles-ci sont moindres pour l’insertion professionnelle des diplômés et leur pratique.
Les urbanistes sont-ils bien outillés ?
De nombreuses institutions d’Afrique australe se focalisent sur la théorie de l’urbanisme, par opposition à l’usage appliqué de la théorie en urbanisme qui concerne plutôt les méthodes et techniques employées par les urbanistes dans l’exercice de leurs fonctions. Si ces fondements théoriques sont nécessaires, le contexte n’est pas toujours pertinent pour la ville africaine. Attestant l’histoire coloniale, de nombreuses villes ont été aménagées suivant des principes d’inspiration britannique. Et la formation elle-même reste dépendante des principes d’urbanisme occidentaux. Avec le rythme de l’urbanisation actuelle, le développement rural a été relégué au second plan dans l’enseignement. Les urbanistes d’Afrique australe sont finalement mal outillés pour planifier les villes africaines dans lesquelles ils exercent, ou pour intervenir efficacement auprès de plus de 50 % de la population, rurale, de l’Afrique sub-saharienne.
Aperçu de l’emploi des urbanistes dans la région
Les Conseils sud-africains, namibiens et zambiens sont fondamentaux parce qu’ils réglementent la qualité des programmes d’études et veillent au respect des normes et compétences définies dans ces programmes. Il faut savoir qu’une grande partie des planificateurs occupant des postes au sein de l’administration publique ne répondent pas à ces exigences, et les efforts pour combler le fossé entre les professionnels de l’urbanisme déjà en place et les nouveaux ne sont pas suffisants.
• L’Afrique du Sud compte deux organismes : le Conseil sud-africain pour les urbanistes (SACPLAN, enregistrement obligatoire) et l’Institut d’urbanisme d’Afrique du Sud (SAPI, adhésion volontaire). Ils définissent les normes éducatives, la pratique, l’éthique, font du mentorat et entretiennent le réseau de leurs membres, étudiants, urbanistes en poste ou en recherche d’emploi.
En 2021, l’Afrique du Sud indiquait que le marché de l’emploi des urbanistes était dynamique, avec des opportunités dans l’administration publique, les entreprises privées et les organisations à but non lucratif. Les planificateurs urbains et régionaux sont très demandés en Afrique du Sud, le pays étant confronté à d’importants défis liés à l’’urbanisation et au développement. L’État a identifié un besoin d’urbanistes qualifiés. Les employeurs, tant publics que privés, exigent des diplômés qu’ils possèdent des compétences et des aptitudes en matière de planification, une base théorique dans le domaine de l’urbanisme et une pratique professionnelle de l’urbanisme. Le Gouvernement a mis en place des stages d’apprentissage intégrés au poste au sein des services de l’État, donnant aux nouveaux diplômés la possibilité d’acquérir de l’expérience dans le secteur public. Les praticiens du privé peuvent accueillir des stagiaires, mais privilégient ceux qui ont de l’expérience.
• La Namibie compte deux organisations : le Conseil namibien pour les urbanistes et planificateurs régionaux (Namibian Council for Town and Regional Planners-NCTRP, enregistrement obligatoire) et l’Institut des urbanistes et planificateurs régionaux (Namibia Institute of Town and Regional Planners-NITRP, adhésion volontaire). Elles sont actives en matière de normes éducatives, de pratique éthique, de mentorat et de réseautage. Les membres sont étudiants, urbanistes et planificateurs régionaux apprentis et en activité.
La planification urbaine en Namibie se concentre sur l’identification des zones urbaines pour le développement des infrastructures, la fourniture de services et la construction de logements. L’État recherche des urbanistes capables de traiter ces sujets, ainsi que celle de l’informalité dans le pays. À l’instar de l’Afrique du Sud, la Namibie a ouvert des stages d’apprentissage intégrés au poste au sein des services de l’État, essentiels pour l’insertion professionnelle. Les stages donnent l’occasion à ceux qui s’installeront dans le privé d’acquérir des compétences spécifiques. En Namibie, le secteur privé offre aussi des stages aux diplômés, y compris à ceux qui manquent d’expérience.
• Au Zimbabwe, l’Institut des urbanistes et planificateurs régionaux (Zimbabwe Institute of Regional & Urban Planners-ZIRUP, adhésion volontaire) agit en matière de networking et de formation. Ses membres sont étudiants, jeunes diplômés et urbanistes en exercice.
L’urbanisation rapide, la mauvaise planification des infrastructures et des ressources limitées nuisent au développement du Zimbabwe. Des politiques d’urbanisme sont définies, mais l’État manque d’urbanistes pour les mettre en oeuvre. Les experts en logement, en infrastructures et en environnement sont très recherchés, tant par le Gouvernement que par les bureaux privés. En proposant des stages, les municipalités jouent un rôle clé pour contribuer à remédier à la pénurie d’urbanistes qualifiés dans le secteur public. Cela permet aux diplômés en urbanisme de compléter leur formation en participant à des projets concrets. Le secteur privé aussi propose des stages, même à ceux dépourvus de qualifications en matière d’urbanisme.
• Au Lesotho, l’Institut d’urbanisme et d’aménagement régional du Lesotho (Lesotho Town and Regional Planning Institute-LTRPI, adhésion volontaire) travaille à sensibiliser à l’urbanisme et à renforcer les réseaux professionnels. Il est ouvert aux étudiants, jeunes diplômés et professionnels en exercice.
Dans ce pays, les urbanistes doivent être formés à une planification résiliente et pouvoir répondre aux défis économiques, tout en préservant les espaces naturels. Mais la plupart des urbanistes du public et du privé n’ont pas de formation suffisante. Aujourd’hui, de plus en plus de diplômés en urbanisme sont nommés au sein des institutions publiques et les offres de stage se sont multipliées. Les opportunités d’emploi sont toutefois insuffisantes, de nombreux urbanistes du Lesotho cherchant du travail en Afrique du Sud.
• En Zambie, l’Institut des urbanistes de Zambie (Zambia Institute of Planners-ZIP, enregistrement obligatoire) est actif en matière de conduite professionnelle, normes éducatives, pratique éthique, mentorat, réseautage et conseil aux autorités publiques. Les membres sont étudiants, urbanistes et planificateurs régionaux, experts en planification socio-économique ou environnementale.
L’urbanisation rapide du pays entraîne des problèmes de logement et d’accès aux services publics. Le ministère des collectivités locales et du logement a besoin d’urbanistes qualifiés afin de l’aider à relever ces défis. La fonction consultative du ZIP est essentielle pour encadrer les pratiques du métier, facilitant l’insertion professionnelle. Les stages dans le secteur privé préparent davantage les nouveaux diplômés à disposer des compétences nécessaires au développement du pays et de ses communautés.
En Afrique australe, les diplômés du supérieur peuvent presque tous être employés comme urbanistes. La protection apportée par les Instituts ou les employeurs pour l’insertion professionnelle reste variable. Cependant, en Zambie, en Afrique du Sud et en Namibie, de nombreux emplois d’urbanistes nécessitent une inscription auprès du Conseil compétent, ainsi qu’une maîtrise ou une licence. La difficulté réside dans le nombre d’offres de stage, en particulier lorsqu’une expérience de deux à trois ans est requise pour pouvoir s’enregistrer.