Téléchargez le bulletin complet
Télécharger l’article 3 du 117B
Jérôme Chenal, Directreur à l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL)
Lorsque l’on parle d’urbanisation en Afrique sub-saharienne, l’on parle d’un développement urbain à perte de vue, d’une démographie galopante, du manque de moyens, d’un déficit d’infrastructure, comme autant de synonymes d’une situation de plus en plus désespérée contre laquelle les gouvernements, les professionnels de la ville et les bailleurs ne peuvent rien ou presque rien. L’African Cities Lab fait pourtant le pari inverse, celui de la formation comme clé de la transformation des villes et des sociétés ; le pari de ces centaines de millions de jeunes avec en eux une soif de se former et de transformer le monde, du moins la ville dans un premier temps.
Une initiative portée par le continent
La jeunesse est le point de départ du projet African Cities Lab (ACL)[1], non pas que les professionnels actuels des villes ne sont pas légitimes quand il s’agit de se former – bien au contraire – , mais l’initiative s’inscrit dans la durée et en ligne, d’où une facilité d’accès importante pour les jeunes générations.
Brièvement, l’initiative est conjointe entre de nombreuses universités africaines[2][3] qui visent à créer une plateforme bilingue d’éducation numérique (anglais – français ) sur le développement urbain, qui l’inscrit clairement dans les initiatives panafricaines. Et si dans un premier temps, l’EPFL (Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne) accompagne l’initiative en la faisant profiter de son expérience pionnière dans les cours en ligne, elle doit à terme appartenir entièrement aux partenaires du projet. C’est du moins le contrat que le SECO (Secrétariat à l’Économie Suisse) qui finance les premières étapes a passé avec l’African Cities Lab. Il s’agit donc là d’une première spécificité de cette initiative de développement entre pairs.
L’autre élément important de l’initiative est de garder une totale autonomie. Pour cela, elle a été développée autour de trois axes que sont la plateforme, les cours en ligne, et les formations [diff entre celles-ci et les cours en ligne à spécifier?] rendant ainsi le projet totalement indépendant face aux infrastructures existantes [lesquelles ? besoin du contexte. On pourrait présenter ce qu’est et ce que sera éventuellement l’Af Cities Lab, qui en aura la tutelle, où c’est localisé, etc.]. Elle maîtrise donc à la fois sa propre infrastructure, ses contenus, mais également l’utilisation des contenus qui sont de fait validés par les universités partenaires.
La forme finale n’est pas encore connue, c’est sans doute une autre spécificité de l’initiative où le bailleur a été d’accord de faire confiance à l’African Cities Lab sans avoir les détails de la finalité mais travaillant uniquement avec quelques jalons le long du projet. Cela a permis de tester et de répondre aux défis souvent de manière innovante, n’étant pas contraint par un cadre trop rigide.
L’approche de principe tient sur une plateforme sur laquelle on dépose du contenu, puis avec lequel on fait des formations. Si tout cela semble logique et simple, il n’en demeure que l’initiative pose trois types de défis : technique, financier et social.
Des défis techniques classiques
La plateforme tout d’abord est un défi en tant que tel. Fallait-il installer des serveurs dans un data center (centre de données) d’un des partenaires ou dans un cloud (domaine virtuel) ? Les options ont été jaugées à la fois au niveau économique, technique et en termes de durabilité. Comment, dans un contexte où l’on ne connait pas à l’avance le nombre des utilisateurs, est-il possible de dimensionner l’infrastructure ? Il faut ainsi être capable de faire face à l’augmentation du nombre d’utilisateurs, et le cloud répond le mieux à toutes ces contraintes car l’infrastructure peut s’y mettre à jour en continu. Un cloud dont les fermes de serveurs sont sur le continent est symboliquement important pour le projet, même s’il est difficile de le vérifier.
Dans un contexte d’utilisation où la connexion est souvent instable avec des débits différant selon les territoires, il s’agit de penser en fonction des connexions les plus faibles pour donner la même expérience d’utilisateur à chacun.
Enfin pour la plateforme, la sécurité des données est un défi omniprésent. La protection des informations personnelles des utilisateurs et de leurs progrès dans les cours est une priorité absolue. La plateforme doit donc mettre en place des mesures de sécurité robustes pour protéger ces données sensibles.
Mais le principal défi reste le contenu pédagogique, car dans les douze premiers MOOC produits sur la plateforme, les experts n’avaient aucune expérience de cours en ligne. Il a donc fallu faire un suivi au quotidien pour assurer la bonne facture de chacun de ces cours d’un point de vue pédagogique.
Le financement reste le nerf de la guerre
Financé pour une première période de trois ans et demi par le Secrétariat d’État à l’économie en Suisse (SECO) et présentement en discussion pour une seconde phase, l’initiative doit dès à présent réfléchir à un modèle économique pérenne.
Si l’intégration d’autres partenaires financiers reste une piste, il s’agit de penser le modèle économique sachant que les cours doivent, dans tous les cas, rester libres et gratuits. C’est un défi d’autant plus difficile lorsque l’on sait que les grandes plateformes ont fini par vendre les certificats et demandé des cotisations importantes aux universités pour pouvoir continuer à développer le business. Dans un contexte continental […Dans le contexte Africain ] où les universités ont des moyens souvent très limités, le défi sera d’autant plus grand. Des pistes de solutions sont aujourd’hui à l’essai et sont testées, analysées, jaugées et souvent…abandonnées.
Enfin plus qu’une plateforme, c’est une communauté
Enfin, l’African Cities Lab est un défi social car il n’existe pas de plateforme sans la création de la communauté des apprenants, des professionnels de l’urbain et les partenaires qui l’animent et la font vivre. L’intérêt aujourd’hui est que depuis le lancement, nombreux sont les partenaires qui viennent pour faire partie de l’African Cities Lab, allant du bailleur de fonds au producteur de contenu, aux nombreuses universités voulant être partenaires, aux centaines d’apprenants qui deviennent autant d’ambassadeurs de la plateforme en en parlant sur les réseaux ou dans leur groupes WhatsApp.
Les étapes du développement se font de manière à articuler et intégrer les financeurs et les universités, dont le contenu produit hors de l’African Cities Lab, partenaires ou non, mais désirent que leurs cours soient accessibles depuis cette plateforme continentale unique et de vocation urbaine.
Mais c’est avant tout le passage de quelques dizaines de curieux du début il y a quelques mois au milliers aujourd’hui et aux dizaines de milliers dans quelques mois si la progression continue à ce rythme qui validera l’hypothèse de départ à savoir qu’il y a une soif d’apprendre dans les jeunes générations, soif que rencontre un réel besoin dans les villes africaines.
Pour aller plus loin : https://africancitieslab.org/fr/
[1] Les membres de l’initiative sont l’Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P) au Maroc, l’Université des Sciences et Technologies de Kwame Nkrumah (KNUST) au Ghana, l’Université de Carthage en Tunisie, l’Université du Rwanda et l’Université de Cape Town en Afrique du Sud ainsi que le campus de Sèmè City au Bénin, en collaboration avec l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL). L’African Cities Lab est financée par le Secrétariat d’État à l’Économie en Suisse (SECO).