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Dans le cadre des partenariats, ADP Villes en développement ouvre son bulletin à l’Agence française de développement. L’AFD publie ci-dessous un texte cosigné par Hassan Mouatadid, le responsable adjoint de sa division Développement urbain, logement, aménagement, avec Jonas Byström, ingénieur principal à la division de l’économie circulaire de la Banque européenne d’Investissement (BEI) et Philippe Masset, directeur Europe et international de l’ADEME, agence de la transition écologique.
Face à la raréfaction des ressources naturelles et à l’impératif de la transition écologique, le concept d’économie circulaire s’impose progressivement. Celle-ci devient un nouveau modèle de développement qui rompt avec le modèle linéaire traditionnel « extraire, fabriquer, consommer, jeter », en faveur d’une logique de boucles. L’objectif est de viser une gestion sobre et efficace des ressources pour limiter les impacts environnementaux.
L’économie circulaire, une nécessité
En 2020, un rapport de l’International Resource Panel (IRP)1 anticipait un doublement progressif de la demande en ressources naturelles (hors eau) d’ici 20602, pour s’établir à 19 t/hab/an. L’essentiel de l’augmentation concernerait les matériaux de construction et les matériaux industriels. Face à ce constat, un changement de modèle semble indispensable.
Le Programme des Nations unies pour l’Environnement (PNUE) indiquait en 2011 qu‘un système linéaire soutenable exigeait d’encadrer la consommation individuelle à 3 – 6 t/hab/an à l’horizon 2060, ce qui parait inimaginable économiquement. L’ONU préconisait ainsi de travailler davantage sur une utilisation « efficace » des ressources.
L’extraction et la transformation des matériaux et des combustibles représentent 53% des gaz à effet de serre (GES) émis dans le monde. Les experts affirment que la croissance de la demande en matières premières d’ici 2060 participera à une augmentation de 43% des émissions de GES3. L’extraction des ressources et le traitement sont également responsables de 90% des pertes en biodiversité et en ressources hydriques de la planète.
L’économie circulaire, vers une réalité
Si l’Union européenne définit l’économie circulaire comme « modèle de production et de consommation qui consiste à partager, réutiliser, réparer, rénover et recycler les produits et les matériaux existants le plus longtemps possible afin qu’ils conservent leur valeur » 4, l’ADEME précise que son application contribue à « diminuer l’impact sur l’environnement, tout en développant le bien-être des individus »5. L’agence distingue sept piliers d’actions regroupés en trois domaines, où l’ensemble forme un cycle, et chaque étape entraîne la suivante6.
L’approvisionnement durable met en avant le devoir de regard des producteurs sur les matériaux qu’ils utilisent. Par exemple, l’application numérique Phenix lutte contre le gaspillage alimentaire par la revente des invendus.
L’écoconception entend proposer des produits, services ou procédés, en prenant en compte leur impact, depuis leur création jusqu’à leur élimination. Par exemple, CINE fabrique un nettoyant ménager contenant moins de substances écotoxiques, et davantage biodégradables.
L’écologie industrielle et territoriale crée des chaînes d’interdépendance entre les entités économiques de production pour optimiser les flux de ressources. Par exemple, « l’écoréseau » des entreprises Biotop ainsi que 162 autres partenaires publics et privés mutualisent leurs besoins et leurs déchets, notamment en valorisant des chutes de PVC ou sacs à café ou en réemployant des big bags.
L’économie de la fonctionnalité favorise la vente d’un service ou la location d’un produit maintenu plutôt que la vente d’un produit en tant que tel. Le client peut profiter ainsi d’un bien sans en être propriétaire. Par exemple, Forézienne MFLS fabrique des outils de coupe pour le travail mécanique du bois, loue ses appareils et en assure la maintenance. Pour être viable économiquement, la longévité des appareils a été augmentée de 20%.
La consommation responsable engage chaque individu à faire des choix de consommation en intégrant le cycle de vie des biens et services. Par exemple, évaluer et comparer en fonction des labels et indices ; privilégier des produits à la durée de vie plus longue, même s’ils sont plus chers, font partie des grands principes.
L’allongement de la durée d’usage favorise le recours à la réparation, au don ou à la vente au lieu de les jeter. Par exemple, Envie récupère du matériel paramédical pour le réparer et le donner ou le vendre à petit prix à des personnes en difficulté.
Le recyclage doit intervenir uniquement sur la part non réemployable de la matière. Pilier le plus souvent envisagé, il doit pourtant constituer le dernier maillon de la chaîne pour optimiser les impacts du modèle circulaire
L’économie circulaire et la ville durable
L’économie circulaire apparaît à plusieurs égards comme une approche pertinente et cohérente vis-à-vis des enjeux de la « ville durable ». Elle est au coeur de la stratégie d’intervention dans le domaine du développement urbain des institutions financières internationales, dont l’AFD et la BEI.
L’économie circulaire constitue une réponse indispensable à la croissance importante de la consommation mondiale de ressources, dont 70% sont consommées dans et par les villes. Par ailleurs, les villes peuvent être le berceau du développement de modèles circulaires. D’ici 2030, 60% de la population mondiale vivra dans des villes. Et l’urbanisation croissante devrait faciliter le développement de ces modèles.
Aussi, l’économie circulaire joue un rôle nouveau dans la gestion des déchets et le recyclage, en recherchant l’efficience de l’économie des ressources : allonger la durée de vie des produits, leur donner une seconde vie, optimiser l’utilisation des matières premières, etc. Cette approche permet de limiter la production de déchets et d’en optimiser la gestion qui pèse très fortement dans le budget des collectivités, notamment dans les pays en développement.
Les facteurs de changement
Les enjeux et facteurs concourant à la mise en oeuvre d’une économie circulaire sont à la fois techniques, politiques, économiques, sociologiques et humains. Les facteurs sociologiques et humains sont les plus complexes à activer. Ils nécessitent d’imaginer des habitudes différentes sans que le consommateur ou le producteur ne considère que c’est une régression. Il s’agit bien davantage d’accepter des limitations individuelles à la faveur d’un collectif, de redéfinir ses besoins, d’adapter sa consommation en conséquence et de ne plus lier consommation et propriété.
Ce paradigme complexe impose de revoir les manières de faire, de produire et d’agir à plusieurs niveaux à la faveur de communs environnemental, économique et social. Les valeurs communes sont ainsi destinées à évoluer et cela implique notamment des changements majeurs dans le monde du travail. L’accompagnement au changement et la sensibilisation des décideurs, producteurs, vendeurs et consommateurs deviennent donc un élément clé de l’appropriation de ce cadre nouveau.