Vous trouverez ci-après une note de synthèse établie par Aurélie Donne qui représentait l’AdP aux Journées de la FNAU à Rennes.
Ville désirée, Ville durable, un projet à partager
La journée du 20 Octobre s’est ouverte sur l’allocution de bienvenue du Maire de Rennes et Président de Rennes Métropole, Daniel DELAVEAU. Après avoir remercié, entre autres, les organismes chargé de l’organisation de ces rencontres, L’AUDIAR et la FNAU, Monsieur DELAVEAU s’est questionné sur les conditions d’adhésion des habitants à la ville que les élus souhaitent réaliser. En effet, il a souligné que les élus doivent anticiper les désirs de leurs citoyens ainsi que les contraintes qui pèseront à l’avenir sur leurs territoires. Cette anticipation, « consubstantielle » à la fonction d’élu, « doit être prospective », évoquant par là même l’une des missions des agences d’urbanisme. Il a rappelé que déjà dans les années 1970, l’AUDIAR, agence d’urbanisme de Rennes, pensait ses plans en prenant en compte la notion de « cadre de vie ». Le « développement durable » était déjà pratiqué dans les faits dans ses trois dimensions : économique, sociale et environnementale. Il est important de souligner, comme l’a fait le Maire de Rennes, que les agglomérations sont au premier rang dans la mise en œuvre du développement durable. Ce fait a été constaté lors du Sommet de Copenhague : 70% des mesures visant à réduire les productions de gaz à effet de serre relèvent des collectivités locales. Il a par la suite évoqué la question du logement, en soulignant que le PLH Rennais avait été orienté par la volonté de permettre à ceux qui le souhaitent de vivre à Rennes, quelque soit leur niveau de revenu, avec un objectif de 50% de logement aidés. Le logement n’allant pas sans la question de la mobilité, Daniel DELAVEAU a prôné l’idée d’un « droit à la mobilité », comme enjeu fondamental de « la ville pour tous ».
Selon le Maire de Rennes, la dimension aménagement participe de l’évolution de nos territoires. Des pas importants restent à franchir comme pouvoir exercer le droit de vivre où l’on désire et assurer un niveau de vie convenable aux générations à venir. Par tant, il en vint à la question foncière et à la notion de « ville compacte », chère au développement durable. Se pose alors la question de l’habitat individuel. Certaines expériences montrent qu’il est possible de conjuguer intimité des personnes avec logement peu consommateur d’espace. L’Agence d’urbanisme de Rennes tente de donner forme à ce projet dans le but d’adapter la capitale bretonne aux modes de vie et aux évolutions de la société.
Daniel DELAVEAU a ensuite donné la parole à André ROSSINO, désormais ancien Président de la FNAU et « militant de l’Urbanité » selon les propos du Maire. Monsieur ROSSINO a exposé le fait qu’il existe une part d’humanité, de respect, de recherche d’un avenir partagé dans les agences d’urbanisme. Selon lui, le développement durable n’est pas seulement un champs technique à maitriser mais, dans ce monde qui change très vite, également une notion qu’il faut être capable d’expliquer aux élus, surtout lorsqu’il s’agit de textes complexes, comme le Grenelle 2, voté en juillet dernier.
Le développement durable est devenu universel, il est désormais placé au cœur des politiques publiques, néanmoins, il n’existe pas de modèle en Europe sur la ville ou le développement durable. La France a fait l’objet d’une reconnaissance au niveau européen suite aux Grenelles de l’environnement et l’Europe fait désormais confiance à la France sur ces questions. La philosophie du développement durable repose sur trois piliers : l’économique, le social et la cohésion sociale, et l’environnement. M. ROSSINO souhaiterait y voir s’ajouter la culture et la gouvernance. En effet, selon lui, la recherche d’une gouvernance d’éco-citoyenneté ou d’une « écologie urbaine » est une sciences mais aussi une sorte de morale de la pratique urbaine. Il a par la suite abordé les pratiques de réseaux de villes qui permettent de faire émerger de nouveaux concepts, tout comme La FNAU qui, à son sens, a les moyens d’être un moteur de créativité et d’ouvrir vers des progressions législatives, notamment grâce à ses clubs.
Monsieur Vincent FELTESSE a été élu président de la FNAU à l’issue de cette 31ème rencontre.
Accompagner la dématérialisation de l’économie
Atelier-Visite dans les locaux d’Orange Labs, Rennes.
Orange Labs est l’organe R&D d’Orange. Il existe 17 sites dans le monde, regroupant 3 000 personnes. Le site de Rennes est spécialisé sur les questions d’image et d’audiovisuel. Différents chercheurs nous ont présenté quelques recherches et expérimentation qu’ils mènent à l’heure actuelle. Des puces électroniques aux services mobiles sans contact en passant par les cartes dynamiques et l’info-trafic, les opportunités liées aux nouvelles technologies sont infinies.
Dématérialisation et rematérialisation : la géolocalisation et les cartes vivantes – défis et opportunités
Intervention de Christophe AGUITON, chercheur en sciences humaines à Orange Labs.
La masse de données disponibles ne cesse d’augmenter. Il semblerait que l’ensemble des données produites depuis Lucie jusqu’en 2003 en termes de quantité, est produite aujourd’hui tous les deux jours, voire tous les jours et demi. Pour exemple, les nouveaux compteurs électriques peuvent produite des informations toutes les dix secondes, quand ils produisaient des informations tous les deux mois il y a de cela quelques années seulement.
Cette masse de données permet de nouvelles approches. La tendance est à la mise à disposition des données, bien que les opérateurs de services rechignent encore à les publier. Pourtant les données des services de transport public, par exemple, pourraient servir à mettre en place des observatoires de mobilité ou à proposer de nouveaux services aux usagers (construction d’itinéraires qui arriveraient directement sur notre téléphone mobile…).
Orange travaille sur des données géolocalisées et créé ainsi des cartes augmentées par la présence de l’activité humaine, en représentant, de façon dynamique, des flux localisés dans lesquels les lieux, les personnes, les activités et le temps s’entremêlent. Ce sont de nouvelles formes de représentations issues des données massivement produites dans notre société.
Exemples de cartes vivantes
Christiphe AGUITON nous a présenté des cartes dynamiques localisant les appels et les SMS envoyés lors d’événements particuliers (ex : fête de la musique, la Nuit Blanche ou encore le nouvel an à Paris) dans le but d’identifier notamment les déplacements des usagers entre les lieux d’animation. Ces données pourraient par exemple servir à proposer une offre adaptée en termes de transports.
Le MIT aux Etats-Unis a, quant à lui, établi, entre autres, une carte de New York localisant les appels passés à l’international. Cette carte nous montre que c’est le haut et le bas de la société qui fait la mondialisation. En effet, il ressort que les appels passés depuis Manhattan et les quartiers d’affaire sont plutôt dirigés vers le « Nord » (Canada notamment), alors que les appels passés depuis d’autres quartiers de la ville (ex : Brooklyn, Queens) sont à destination de l’Afrique et de l’Amérique Latine. Des cartes telles que celle-ci pose question puisque l’anonymat total disparait.
Un autre exemple de carte présenté, établie à partir des données FlickR cette fois-ci, confirme les risques liés à l’utilisation de ces techniques : il s’agit d’une carte des endroits visités par les touristes britanniques lorsqu’ils se rendent en vacances à Barcelone. On y voit leur fréquentation des monuments de la ville et des principaux musées, bien sûr, mais également les bars qu’ils ont visité…
La typologie des cartes vivantes
Les enjeux
Ainsi, ces cartes peuvent permettre de faire ressortir de nombreuses informations intéressantes pour différentes applications mais également de nombreuses questions. Trois problématiques majeures peuvent être retenues :
- La question de la propriété : A qui appartient la carte présentant la localisation des endroits fréquentés lors de la fête de la musique à Paris ? à la ville de Paris, à Orange (ou laboratoire qui créé la carte), aux personnes qui ont passé des appels à ce moment là et qui permettent de construire la carte grâce à leurs déplacements ? finalement ces données ne devraient elles pas être de bien commun ? en effet, comme nous avons pu le noter auparavant, elles pourraient par exemple servir à améliorer les services de transport en commun.
- La question de la protection de la vie privée (Big Brother watching us ?) : Il existe tout de même un contrôle par la CNIL pour ce qui est de l’utilisation de ces données par les autorités ou les entreprises. Mais est-il sain et concevable que nos proches, notre conjoint ou nos parents puissent savoir, à tout moment, où nous nous trouvons sur le territoire ?
- La ségrégation sociale : l’espace public devrait être un espace de mixité mais ce genre de représentation de l’espace ne risque-il pas de permettre aux catégories sociales d’identifier les lieux où elles sont certaines de pouvoir rester entre elles ?
Les problématiques liées à ces cartes vivantes ne viennent qu’à peine de se poser. Elles ne sont pour l’instant pas utilisées de façon concrète. Orange, la CNIL et l’Union Européenne réfléchissent beaucoup à leur utilisation et aux questions de propriété et de privacy qui vont avec, sans réponse à ce jour. Aujourd’hui tous les mobiles sont localisables (à 1km près en zone rurale, à 100m près en zone urbaine).
TRAFIC ZEN : l’info-trafic en temps réel au moyen des données du réseau mobile
Initiative de Orange, ASF, Vinci et France Telecom pour permettre l’information sur le trafic routier sur le réseau ASF.
ASF et Orange ont des compétences et des savoir-faire complémentaires, l’idée était d’utiliser les données de réseau mobile en les associant au réseau routier pour établir des prédictions de trafic et calculer des temps de parcours en évaluant les vitesses. Il s’agit d’une nouvelle source d’information sur le trafic routier, à usage multiple, dont le but est ici d’obtenir une meilleure exploitation et gestion du trafic, informer les voyageurs en temps réel. Par ailleurs c’est une solution peu coûteuse puisqu’elle ne nécessite pas l’installation de nouvelles infrastructures.
Comment ça marche
Le réseau téléphonique identifie les données mobiles dans le cadre de son service (analyse des sauts de cellule). A partir de ces données rendues anonymes, il est possible de faire ressortir les déplacements des porteurs de mobiles. Appliqué au réseau routier, ces déplacements téléphonique permettent de calculer des vitesses moyennes et les temps de parcours sur les secteurs étudiés. Ces données sont calculées en temps réel et fournissent toutes les 6 minutes les évolutions du trafic.
Dans le cadre de ce projet, Orange et ASF suivent 1200 km de routes (600 km aller-retour) sur différents types d’infrastructures (périurbain, départemental, autoroutier – pas d’intra-urbain pour l’instant), le coût de déploiement étant le même quelque soit la zone.
Cette technique peut permettre de mieux répondre aux enjeux des exploitants et des collectivités locales. Par ailleurs, ce sont des technologies complémentaires et moins coûteuses que celles à l’œuvre actuellement (capteurs magnétiques).
Les services mobiles sans contact
L’utilisation des téléphones mobiles et des cartes SIM permet une dématérialisation complète des services. En effet, Orange a développé des services de transaction à très courte distance. Il s’agit de pouvoir payer des biens et des services et de s’en servir grâce à son mobile. Notre téléphone mobile se transforme alors en carte de transport, carte de crédit, carte de fidélité, carte de bibliothèque… le champs des possibles est infini. Ces technologies sont actuellement en expérimentation à Nice.
Au-delà des nouvelles technologies associées à l’utilisation du téléphonie mobile, Orange nous a également montré que d’autres technologies pouvaient être utilisées pour de nombreuses applications comme par exemple l’utilisation des puces RFID. Ces puces sont celles que nous trouvons dans les antivols. Il est possible d’utiliser ce genre de technologie comme indicateur de remplissage des poubelles par exemple dans le but d’optimiser l’organisation de la collecte des ordures.
La dématérialisation de l’économie, quelles attentes et quels leviers pour les collectivités ?
L’après-midi s’est terminée par une table ronde sur les conséquences des technologies numériques sur nos territoires et leurs conséquences sur le développement durable.
Elle regroupait :
- Isabelle PELLERIN élue de la ville de Rennes
- Ludovic DUPREZ de la société CHRONODRIVE
- Eric JOYEN-CONSEIL représentant de Syntec-Informatique
- Anne-Marie ROMERA de l’IAU-IdF
Isabelle PELLERIN, élue de Rennes, a commencé par mettre en perspective les expériences de dématérialisation de la société qu’elle connaissait pour présenter les limites qu’elle entrevoyait.
Elle a cité pour exemple les démarches administratives, les appels d’offre en ligne, qui permettent une réduction de la consommation de papier. Les écoles également se dématérialisent, avec l’exemple des Etats-Unis en tête (salles de classe et supports virtuels, validation des diplômes en ligne). La Bretagne est par ailleurs en train de s’équiper d’un « campus numérique » (équipement des établissements et cours en ligne).
Elle a par ailleurs mis l’accent sur les controverses associées aux nouvelles technologies, en se posant les questions suivantes :
- Au niveau politique, la question du vote électronique fait toujours débat : comment évaluer et éviter l’impact de la pression familiale sur le geste de vote s’il peut être fait à la maison, devant l’ordinateur familial ? Concernant les ordinateurs de vote, peut-on éviter le risque de « bug » ou de dérive ?
- Au niveau économique, la dématérialisation de l’économie est-elle un levier pour diminuer la consommation des ressources de la planète ?
- Au niveau sociétal, la société numérique ne risque-t-elle pas de soulever un nouveau débat vif comme celui des OGM par exemple ? Permettra-t-elle un mieux-être social ou sera-t-elle source de plus d’angoisse : moins d’empreinte d’existence, et moins de lien social ?
Une première présentation nous a été faire par le représentant de Syntec-Informatique sur la question du télétravail.
Le télétravail : une fausse bonne idée ?
M JOYEN-CONSEIL a souligné que les technologies numériques émettent aujourd’hui 2% des gaz à effets de serre produits dans le monde, ce qui correspond à l’empreinte carbone du transport aérien. Si nous n’y faisons pas attention, cette empreinte pourrait atteindre les 4% en 2030. L’empreinte carbone de l’informatique peut-être réduite et peut également participer de la réduction de celle d’autres activités, notamment grâce au développement du télétravail. Il a souligné le fait que la France était en retard en la matière : seulement 8% des français « télé-travaillent », contre 23% en Allemagne et 25% au Pays-Bas et aux Etats-Unis (la moyenne européenne se situant à 17%). Le retard que subit la France en matière de télétravail n’est, selon M. JOYEN-CONSEIL, pas lié à une ‘fracture numérique’ (retard technique) ni même à des problèmes juridiques, mais il serait plutôt lié aux techniques de management à la française. En effet, en France, la gestion des collaborateurs se fait sur un mode présentiel. Il faut repenser les tâches de l’entreprise, notamment dans les secteurs tertiaires pour permettre le développement du télétravail, selon lui.
Réduisant les déplacements et par conséquent les dépenses et la pollution, le télétravail permettrait également de réduire les pointes dans les transports en commun et de relocaliser un certain nombre d’emplois. Une étude menée par le groupe Intelligent Transport Systems de l’université de Newcastle semble pourtant exposer un avis contraire : le télétravail pourraient au aggraver notre niveau d’émission de gaz à effet de serre de par la multiplication des équipements de bureau, une consommation électrique et de chauffage accrue et la compensation de l’isolement des travailleurs par des sorties plus fréquentes (voir l’article de Rue89 : Télétravail et shopping en ligne mauvais pour l’environnement et de Slate.com : How green is telecommuting ?).
L’inconvénient majeur de ce type de fonctionnement selon son défenseur est l’isolement. M. JOYEN-CONSEIL indique qu’il existe des solutions pour le combattre : il propose d’installer des ‘télécentres’ ; centres de proximité permettant aux télétravailleurs d’être en contact avec d’autres télétravailleurs, d’avoir accès à une salle de conférence pour être relié à son bureau… Ces télécentres pourraient se trouver dans les périphéries des grandes agglomérations et être financés par les entreprises. Pour exemple, Amsterdam a installé 21 centres de télétravail dans ses banlieues. Les télécentres permettraient enfin, selon M. JOYEN-CONSEIL de s’implanter très rapidement et de favoriser ainsi le développement économique d’une région et l’aménagement du territoire. L’expérience Chronodrive, un hyper-écolo-marché ?
Ludovic DUPREZ, concepteur et président de Chronodrive nous a ensuite exposé le concept de ses magasins. Il s’agit de passer commande de ses produits sur internet et d’aller les chercher dans le ‘drive’ le plus proche de chez soi ; l’idée de départ étant que la livraison à domicile n’est pas optimale puisque très chère, non immédiate et qu’elle suppose que le client soit chez lui. Cette entreprise a déjà ouvert 23 sites en France depuis sa création et emploie 1300 personnes. Elle table sur l’ouverture de 7 nouveaux drives d’ici à la fin de l’année et l’embauche de 200 à 300 nouveaux collaborateurs.
Cette technique semble présenter un avantage au regard de l’aménagement du territoire : l’emprise foncière est réduite par rapport aux hypermarchés traditionnels à taille comparable en termes de chiffre d’affaire.
Dans l’ère de l’économie quaternaire…
Sommes nous en train de rentrer dans une nouvelle ère économique, après le secteur secondaire et tertiaire qui seraient voués à disparaitre, passerons nous à un secteur quaternaire qui mettrait en relation directe l’offre et la demande par le biais des TIC ?
Pourtant, nous n’avons jamais eu autant de produits qu’aujourd’hui et le virage n’a pas l’air de se faire. l’économie verte semble être vouée à s’imposer dans tous les secteurs mais elle ne sera pas la voie de sortie de crise que l’on avait pu imaginer en 2008. Cette forme de croissance sera dans tous les cas aussi destructrice que créatrice d’emploi.
Les deux présentations qui nous ont été faites lors de la table ronde touchait au périurbain, donc au développement de la proximité en territoire relativement étendu. Quelles conséquences alors sur le développement urbain ? Un étalement des périphéries ou au contraire des gains sur le foncier et l’immobilier ?
Mme PELLERIN a conclu la table ronde en soulignant que « les élus font en sorte que les citoyens se rencontrent ; ceci doit rester en tête chez les urbanistes également ».