Document préparé par Caroline Martin, sous la direction de Antoine Olavarrieta, Françoise Reynaud et François Vergès, AdP c/o ISTED – Villes en développement.
Les conditions d’entrée des jeunes professionnels dans la carrière.
Marie-Pierre Bourzai, AdP.
Les organisateurs, m’ont demandé gentiment de parler de l’intégration des jeunes professionnels du développement urbain.
J’espère que je ne vais pas finir de plomber l’ambiance. D’autant plus que Monsieur Arnaud et les différents intervenants ont abordé ce sujet par différents aspects, on peut donc synthétiser ces différentes interventions. Et j’ai à peu près un quart d’heure.
Je vais commencer par des propos liminaires, pour replacer ça, peut-être pour rassurer un petit peu. C’est que la question de ces jeunes professionnels, de cette jeune expertise, a été abordée par le Ministère des Affaires Etrangères dans tous les domaines de la coopération internationale et du développement, dès 2001 et aussi en 2002, par les rencontres de la coopération multilatérale. En est ressortie une association qui s’appelle l’AJECID et sur laquelle je ne m’étendrais pas, association de jeunes experts qui font un peu de lobbying pour justement mettre en valeur cette jeune expertise.
A cette occasion, en 2001 et en 2002, il a quand même été mis en avant un certain nombre de problèmes spécifiques à la jeune expertise dans tous les domaines de la coopération internationale, qui est le fossé générationnel qui existe dans ce domaine et qui existe évidemment dans le domaine de l’urbain.
Ce manque de renouvellement, d’une manière simple, n’assure pas ou peu le transfert des savoirs, n’assure pas en particulier le transfert des savoir-faire entre les générations d’experts.
Je ne vais pas faire la maligne, mais j’ai fait une petite étude sur l’âge des adhérents de l’AdP. Mais en regardant la salle ce matin et en la regardant là maintenant, je constate beaucoup de jeunes têtes. Alors de deux choses l’une, soit on est en train de vivre une opération de renouvellement urbain, soit c’est une question que les jeunes se posent et qui les intéressent, et donc je félicite l’AdP d’avoir choisi ce thème qui mérite un débat.
Néanmoins, je vais vous parler un peu de l’AdP, où il y a 65% des membres ont plus de 45 ans, 30% ont plus de 55 ans. Mais il est évident qu’après, les 25 à 35 ans, ne représentent que 8% des membres de l’AdP.
Je voudrais faire aussi un petit point sur la répartition par sexe. Messieurs, vous représentez 83% des adhérents. Mais on enregistre une féminisation, d’abord de la salle, ce qui me fait plaisir par rapport aux années précédentes. Donc on enregistre une féminisation de la salle, et des membres de l’AdP, et en particulier chez les jeunes adhérents de l’AdP.
Pourquoi en sommes-nous là ? Je vais reprendre un petit peu ce que Monsieur Arnaud a dit ce matin. D’abord pour le milieu de l’expertise, dans le domaine du développement en particulier. Et je vais vous dire une chose, que vous savez tous, c’est que les formes des appels d’offre et même des appels à proposition internationaux ne favorisent pas l’émergence de la jeune expertise. Tout simplement parce que les tutelles exigent des critères d’expérience pour remporter ces contrats, ce qui est pénalisant pour les structures qui décideraient d’associer à ses travaux un jeune professionnel. Il en ressort que « les bureaux d’études n’ont plus les moyens de former des consultants juniors sur le terrain » et donc de transférer leurs savoirs et leur savoir-faire. Même s’il est vrai qu’il existe une certaine réticence de la part de certains consultants, une minorité, à s’associer ou à faire travailler des jeunes. Soit par manque de temps, soit par manque de motivation, mais aussi parce qu’à moyen terme, les jeunes experts pourraient devenir des concurrents. Et là quand même, des professionnels de l’urbain, devant le vieillissement manifeste du milieu, souhaitent s’engager dans une forme de tutorat, en faveur des jeunes professionnels.
Reste qu’aucune procédure n’existe au niveau des donneurs d’ordre français pour concrétiser cette volonté, et ce malgré la volonté affichée de l’AdP l’année dernière de se rapprocher des jeunes experts soit par le biais de l’AJECID soit directement par des contacts personnels.
En dehors de l’AdP, il y a différents programmes de soutien aux jeunes professionnels via l’Union Européenne. Les différents programmes des jeunes experts gérés par le MAE s’adressent à des jeunes professionnels ayant au minimum deux ans d’expérience professionnelle rémunérée dont une partie sur le terrain. C’est la même chose pour les programmes des agences des Nations Unies. Le problème se pose donc dès l’entrée dans le monde professionnel ; le premier emploi et les premières expériences de terrain relèvent d’un défi souvent insurmontable.
Il y a le programme de la Banque Mondiale, le programme Junior Professional Associated, ou le programme plus élitiste de jeunes experts, ou encore la procédure vivier de l’AFD. Mais dans ces cas précis, une expérience est demandée.
Le CSNA, vous le savez aussi, a disparu. Il permettait à de jeunes professionnels de se former tout en acquérant de l’expérience et en s’insérant dans des réseaux, essentiels pour la suite de leur carrière. Par ailleurs, le CIVI qui le remplace, offre peu d’opportunités de poste pour le jeunes professionnels de l’urbain.
Le statut de volontaire, on n’en a pas parlé. Il concerne essentiellement les ONG ou les collectivités locales. Il offre une opportunité aux jeunes professionnels d’avoir une expérience de terrain. Ce type d’expériences, n’est pas reconnu à leur juste valeur par les professionnels, en particulier par ceux du secteur privé. S’y ajoute pour les jeunes professionnels, le handicap majeur de conditions matérielles peu motivantes. Peu nombreux sont ceux qui parviennent à rebondir sur un emploi stable dans le secteur au terme de cette expérience.
Les postes salariés dans les ONG, Monsieur Allou n’en a pas parlé, sont à la fois très rares et très courus :parfois plus de 200 candidatures pour un poste.
Les ONG malgré tout essaient de jouer la transparence, et publient des offres d’emploi. Pour autant, la cooptation fonctionne aussi, majoritairement.
En outre, je ne vous apprends rien, très peu de postes pour le développement urbain et la coopération apparaissent sur les sites de l’ANPE.
Et que le mot d’ordre, finalement est, très en amont pendant les études, d’intégrer un réseau de professionnels qui permet de participer à des débats, d’accéder à des informations, de connaître le milieu et les gens tout simplement, et de saisir des opportunités qui sont parfois, rarement, mais parfois offertes.
Je ne vais pas m’étendre non plus sur les questions des formations. Néanmoins, j’ai eu l’occasion d’interroger une promotion de 17 étudiants de profil très divers, du DESS « urbanisme et aménagement option expertise internationale dans les villes en développement » sur la façon dont ils voyaient leur avenir. En première année, deux voulaient trouver un emploi dans un bureau d’études, de préférence un emploi de consultants, quatre dans la coopération décentralisée, mais de préférence sur le terrain, six autres voulaient travailler pour une ONG, toujours sur le terrain, les autres n’avaient pas de projet professionnel précis, mais aucun n’avaient une idée précise de ce qu’allait être leur rôle, et leur travail au jour le jour et de ce que pouvait attendre un éventuel employeur en termes de compétences.
Il faut bien reconnaître que les liens entre le monde professionnel et les différentes formations supérieures dont le nombre de celles spécifiquement tournées vers le développement urbain dans les pays en voie de développement diminue progressivement, mais sûrement, sont trop ténus pour permettre aux jeunes diplômés d’intégrer ces réseaux, et de préparer les futurs jeunes professionnels au marché de l’emploi.
Les postes de gestion, de coordination, de montage de dossier de financements attirent moins que les postes de terrain. Or si je regarde les jeunes membres de l’AdP, la plupart occupent des postes de coordination ou de gestion, de recherche de financement
Pour les jeunes professionnels souhaitant orienter leurs expériences vers l’international de manière ponctuelle, et leur permettre d’exporter les nouvelles méthodes et techniques qu’ils expérimentent dans leurs métiers en France., comme pour ceux qui veulent en faire leur métier, peu d’opportunités sont offertes. Le cercle est vicieux : pas de « réseau », pas de travail ; pas de travail, pas d’expérience ; pas d’expérience, pas de travail ; pas de travail, pas de « réseau »….
Dans ce contexte, l’engagement des donneurs d’ordre est indispensable.
Les donneurs d’ordre, les bailleurs de fonds, le Ministère des Affaires Etrangères, l’Agence Française de développement, Europaid et autres, devraient favoriser les initiatives de tutorat senior junior pour des missions, de courte durée sur leurs appels d’offres et sur les marchés de gré à gré, et prévoir les appuis financiers nécessaires à la mise en œuvre de ces procédures.
- Par exemple, les documents d’appel d’offre pourraient comporter des clauses valorisant les concurrents décidant d’associer à leurs travaux de jeunes professionnels au cours de missions de terrain. Cela vaut aussi dans une moindre mesure pour les ONG qui répondent à des appels d’offre ou des appels à proposition.
- Il faudrait que des postes de volontaire international et des stages, la création de postes CIVI au sein d’ambassades, et des services de coopération et d’action culturelle dans ce domaine précis. De la même façon, on peut donner une attention particulière à la candidature des jeunes professionnels aux postes d’assistants techniques.
- La multiplication des postes de jeunes experts du développement urbain dans les programmes jeunes experts de la Commission européenne et des agences des Nations unies gérées par le ministère des Affaires Etrangères, ce qui signifie un lobbying au sein du MAE auprès des responsables du programme jeunes experts et auprès de la Commission européenne et des Agences des Nations Unies.
- La mise au point de mesures incitatives de quelque nature qu’elles soient pour encourager la mobilisation de jeunes professionnels chez les opérateurs de projets (bureaux d’études, ONG/ASI, collectivités territoriales…) et dans les institutions internationales de développement (programmes des Nations Unis, Banque Mondiale, Banques régionales de développement, …).
Plus généralement, l’objectif d’intégration des jeunes professionnels de l’urbain devrait être intégré à la définition des politiques sectorielles, des programmes et projets, et de la gestion des fonds de coopération.
L’AdP, comme association de professionnels du développement urbain, peut intervenir dans le sens de l’intégration des jeunes experts au réseau, peut être, et c’est une proposition,
- Offrir aux jeunes adhérents un accompagnement de départ personnalisé, sous forme par exemple d’un tutorat ;un junior-un senior affecté en fonction des affinités et des compétences .
- S’ouvrir aux formations universitaires et aux grandes écoles, pour faire connaître ces métiers.
- Tout simplement, pour les consultants, demander s’ils peuvent associer un jeune professionnel à une mission, ou à un dossier !
Je vous remercie.